Accueil > Février / Mars 2016 / N°34

La palme du fayot...

...revient incontestablement à Félix , qui nous a envoyé cette « demande d’abonnement argumentée ». Le concours de flagornerie est ouvert avec un niveau d’emblée très élevé.

« Jusqu’à peu, j’étais encore ce qu’on peut appeler un bon grenoblois. Je ne peux repenser sans nostalgie à ce retour dans ma vallée natale, mon diplôme d’ingénieur en poche, quelques lignes ronflantes sur le CV et une soif de science à assécher l’eau lourde de l’ESRF [NDLR : Synchrotron]. Trouver ma place dans cette bonne vieille technosphère ne m’a pas pris plus de trois mois. Je transformai l’essai d’une intégration réussie en intégrant une de ces colocs grenobloises géantes où l’on riait fort en mangeant des graines de retour de rando. Bref la presqu’île m’ouvrait ses deux bras de fleuve, heureuse de retrouver un enfant du pays. En ce temps, l’industrie était verte et les supermarchés bios. Jusqu’au drame malheureusement... Tout a commencé à mon deuxième mois de coloc. J’avais pris l’habitude de réserver une graine par repas pour m’autosuffire en chauffage selon la devise : une plante = une bûche. En voulant ramoner ma conduite de chauffage biorenouvelable, je tombai sur une illustre relique roulée en boule, non responsive ni même tactile : une page du Postillon. Une fois éditées, il faut se rendre compte que ces lignes sont comme gravées dans le marbre ! Elles restent imperturbables aux tweets, pop-ups et autre flash news qui auraient certainement agrémenté avec justesse les propos de l’auteur. « Voila un journal qui se moque bien de l’actualité et de l’avis de ses lecteurs », m’esclaffai-je aussitôt. Ma curiosité piquée par la nostalgie des médias d’antan, je reposai ma tablette pour un instant de papier. Au bout de quelques lignes, le rouge me monta aux joues. A peine arrivé à la fin de la page, je me ruai sur le verso à la recherche de mots fléchés ou de quelque sudoku où évacuer mon angoisse, mais je tombai à genou devant le titre sans équivoque. Soudain des questions absurdes bousculaient mon esprit si cartésien. « Eric n’aurait jamais fait ça, enfin c’est un écologiste ! »(...) En quelques numéros, tu as fait de moi un homme nouveau, Postillon. J’ai brûlé ma photo d’Eric Piolle en papier recyclé et empalé mon Iphone 5S sur la calandre de mon Libéria estampillé du P’tit vélo sourire. Désormais je boycotte les show-rooms du CEA et ose discuter (à voix haute) l’intérêt d’une voie TGV Lyon-Grenoble. (...). J’ai désormais soif de rébellion et ça va se savoir ! Comme je n’ai pas encore fini d’affûter mes propres idées (mon abonnement au Monde Diplomatique commence tout juste), tu me pardonneras de te piquer les tiennes. (...) »