Accueil > Été 2016 / N°36

Tout sur les poils

Selon la définition donnée par Wikipedia, le poil est « une production filiforme de l’épiderme, couvrant partiellement ou intégralement la peau des mammifères et dont il est l’une des caractéristiques ». Chez l’Homme comme chez l’animal, il se décline sous toutes les formes : dru ou frisé, court ou long, brun ou blond... Nul n’y échappe : homme ou femme, « gorille » ou imberbe, sosie de Demis Roussos ou de Justin Bieber, chaque être humain possède en moyenne près de 5 millions de poils sur le corps. Une chose est sûre, à l’approche de l’été, le poil sera comme toujours l’objet de toutes les attentions : sublimé ou taillé chez le barbier, coupé ou raccourci dans un salon de toilettage pour animaux, épilé ou rasé chez l’esthéticienne. Pour y voir plus clair, nous avons poussé la porte de ces professionnels du poil, d’apparence si dissemblables et pourtant unis par un dénominateur commun.

Édouard B, barbier pour hipsters



Édouard, 30 ans, a ouvert son salon (coiffure mixte et barbier), rue Lesdiguières, en mars 2015, après divers détours : « Je suis parti trois ans en médecine, puis en psycho et DUT génie civil. Au lycée, la coiffure, c’était un peu mal vu par les profs. J’étais en classe européenne, soi-disant l’élite de Champollion... Du coup, j’ai testé autre chose mais ça ne m’a pas plu. » Après sa formation, il décide d’ouvrir son propre salon, avec une idée précise en tête : « Je ne voulais pas de l’ambiance clinique et robotisée des chaînes mais d’un truc plus atypique, plus cocooning. » Édouard opte sans hésiter pour l’option barbier : « À la base, je suis coloriste et j’ai toujours porté la barbe et aimé l’environnement rétro des ‘‘barber shop’’. J’ai fait différentes formations de barbier et je me suis exercé sur des collègues. » Pour lui, le timing est parfait : « La barbe est un gros phénomène de mode depuis deux-trois ans, avec le style hipster. Et puis, il y a aussi des clients ayant la barbe pour l’aspect pratique. » Sa clientèle est très variée : « Aussi bien des chefs d’entreprise que des ouvriers, des jeunes que des 50-60 ans, pas mal de motards... et même des flics, qui ont le droit de porter la barbe depuis un an ! » En moyenne, Édouard fait « quatre à cinq barbes par jour, pour une durée de 10 à 15 minutes, sans compter les conseils pour les nouveaux clients. » Muni de ses instruments fétiches (peigne en corde, brosse-sanglier et coupe-chou), il prodigue rasage et taillage, ainsi que ses trois conseils pour une barbe nickel : brosser sa barbe, la shampouiner et l’hydrater. Et le succès est vite venu au rendez-vous à en croire Tristan, client hebdomadaire, look de parfait hipster travaillant dans le commerce, qui porte la barbe depuis six ans : « Au début, j’allais chez le coiffeur mais ça n’a rien à voir. Avec le coupe-chou, il y a une façon de couper, de la précision. Le barbier travaille le volume, un peu la longueur... Et puis derrière, ça demande beaucoup d’entretien : pour moi, c’est 20 à 30 minutes par jour. Le barbier, c’est pas mal de bouche à oreille : j’ai dû recommander une dizaine de clients à Édouard. On est entre passionnés et on a une relation de confiance. On ne laisse pas sa barbe à n’importe qui ! »

Lionel Paul, barbier chic



À l’Institut Lionel Paul, au bout des Grands Boulevards, changement de décor : ambiance smart et guindée, gamme de produits bio et luxueux derrière le comptoir... Ici, on accueille aussi des hipsters, mais des « hipsters chics » ! Lionel Paul, 51 ans, a ouvert cet « institut pour hommes avec espace barbier » en 2001, après avoir bourlingué de salon en salon depuis ses 15 ans et demi, d’abord comme apprenti chez un coiffeur de quartier, puis à son compte. Son idée était très claire : « On se positionne sur le créneau de la qualité et on vise une clientèle de niche. » Au menu, « une offre globale : esthétique pour homme, coiffure, carte de service avec rasage et barbe... ». La mode de la barbe, il l’a vu « exploser il y a trois-quatre ans. Il y a un engouement terrible. On a toute une génération qui ne sait pas s’y prendre pour entretenir sa barbe ni la tailler. J’anime aussi des formations, les stages de barbe ne désemplissent pas ! Manier un coupe-chou, savoir l’aiguiser, c’est un vrai métier. » De ce côté-là, Lionel Paul a été formé à bonne école : « Quand j’étais apprenti, j’étais chez un patron italien classique, ça m’a forcé à voir la gestuelle, savoir comment aiguiser un rasoir. » Parmi ses clients barbe, les fameux « hipsters chics » donc, mais aussi « les cadres sup’ qui roulent en Harley et se laissent pousser la barbe à 50 ans, et parfois les enfants de ces gens-là. Mais le jeune méga-branché, on le verra moins chez nous. » Question de positionnement toujours... Il faut dire que le budget demandé reste assez élevé avec une prestation barbe comprise entre 22 et 60 euros. Mais pour ce tarif, le client peut disposer d’un « large menu, comme au restaurant : restyling barbe, barbe sculptée, restyling avec rasage, moustache, plus la carte de rasage pur » proposant diverses options. Toujours soucieux de justifier son concept de qualité, Lionel Paul passe un temps fou à contacter différentes maisons, avec lesquelles il traite en direct pour dénicher le blaireau en fibres végétales ou les meilleures crèmes à raser et brosses à barbe. « On peut même se raser en mode bio », se félicite-t-il.

Aux Aristochiens, salon de toilettage pour chiens et chats


D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Amandine a toujours voulu faire un métier au contact des animaux. « J’ai eu des chiens depuis toute petite », explique la jeune femme de 32 ans, qui a racheté en 2008 ce salon jouxtant le cours Jean Jaurès, à deux pas de l’Estacade, et accueillant exclusivement des chiens (80%) et des chats (20%). Elle décrit les étapes du toilettage : « Les gens arrivent avec un chien qui n’est pas très beau. Je le lave, puis je fais tous les soins : couper les griffes, nettoyer l’intérieur des oreilles, dégager les parties génitales... Ensuite c’est la coupe pour mise en forme et enfin, le lavage et séchage. » L’opération dure « entre 2h30 et 3h car les poils de chien sont très épais ». Niveau fréquence, « il faut en général revenir tous les trois mois, le poil du chien poussant d’un centimètre par mois. Mais ça dépend des races. Pour un chien à poils très longs, comme un shin-tzu, on doit le faire tous les quinze jours. Quand les poils sont très courts, ça peut durer un an. » Amandine travaille avec toutes les races, du plus petit au plus gros, et tous les âges, du chiot de quatre mois au vieux toutou de 18 ans. Avec, là aussi, des problématiques différentes : « Quand les chiens sont tout jeunes, je me concentre sur l’échange, je joue avec eux, je les félicite beaucoup. Du coup, lorsqu’ils reviennent, ce n’est plus une contrainte, ils savent qu’ils vont passer un bon moment. » Pour les chiens âgés, en revanche, « c’est plus compliqué, il faut du temps. Je dois faire des gestes très doux car ils ont souvent des douleurs articulaires. à chaque première fois pour des chiens adultes, je prends quinze minutes pour analyser leur comportement, voir s’ils n’ont pas de grosseur ou anomalie sur la peau. » Les chats, quant à eux, nécessitent une approche encore différente. Amandine s’attache ainsi à « ne pas élever la voix, rester très zen... Si je suis en stress, le chat le ressent. » Dans l’imaginaire collectif, le toilettage est souvent associé au « chien-chien à sa mémère », le tarif – de 40 à 60 euros – n’étant pas forcément à la portée d’un étudiant fauché. Une idée reçue que la jeune femme tient à battre en brèche : « J’ai de tout, aussi bien des gens de 80 ans que des jeunes de 18 ans, des familles et même des étrangers. On a beaucoup de Brésiliens par exemple, souvent avec des yorkshires. » Encore une chose que l’on n’aurait pas imaginée...

Les Ravissantes, institut de beauté


Pour Alexandra, gérante de l’institut de beauté Les Ravissantes, rue Ampère, le bien-être des clientes n’est pas un mot galvaudé. Dès l’entrée, on est invité à patienter en sirotant un thé dans un fauteuil moelleux, tandis que la patronne du lieu vante ses produits bio et « l’hygiène impeccable de [ses] cabines ». Elle y tient car, rappelle-t-elle, dans la profession, « personne ne vient vérifier l’hygiène ». Cette esthéticienne de formation et ancienne salariée de TéléGrenoble a ouvert Les Ravissantes, sa première affaire, il y a huit ans. L’auteur de ces lignes poussant ce jour-là pour la première fois la porte d’un institut de beauté, Alexandra et sa collègue Cindy, employée depuis cinq ans, s’improvisent en guides pour néophyte. Deux cabines accueillent les clientes. La plus petite est exclusivement dédiée à l’épilation, à la manucure et pédicure, et au maquillage. La plus grande offre tous les soins possibles : « soins relaxants et détente musculaire, de la base des pieds au cuir chevelu ; réflexologie plantaire ; drainage lymphatique, c’est-à-dire un drainage manuel des jambes et parois abdominales, visant à enlever la cellulite et perdre du poids ; cours d’auto-maquillage, beaucoup de femmes ne sachant pas se maquiller ; enfin, les soins du visage pour tous types de peau (manque d’hydratation, acné, rides). Cindy est spécialisée dans la réflexologie plantaire et moi dans le drainage », ajoute Alexandra. « Mais on est toutes les deux à même de faire tous les soins. » Titulaire d’un CAP esthétique, cette dernière a d’ailleurs passé ensuite « un UV de conseillère en diététique, pour amener les gens à une perte de poids avec conseil alimentaire ». Naturellement, les deux collègues sont les parfaites interlocutrices pour nous renseigner sur les dernières tendances en matière de poils : « C’est vrai qu’il y a 20 ans, un maillot intégral, c’était marginal. Aujourd’hui, c’est monnaie courante, on en fait une dizaine par jour. » L’épilation représente d’ailleurs 60% du chiffre d’affaires de l’institut. Les clientes sont de tous âges, précise Alexandra : « On a souvent l’ado, la maman de l’ado et parfois la maman de la maman de l’ado. Plutôt des CSP+ mais il y a aussi des femmes n’ayant pas beaucoup de moyens. » Quid des hommes ? « Je ne prends que les maris des clientes ou leur famille proche », répond la gérante. « C’est un parti pris car le lieu est tout petit et on ne voulait pas que les femmes soient incommodées : on est quand même dans la sphère de l’intime. » Et que font ces clients ? « Des soins du visage, l’épilation du torse, du dos, voire des jambes – on a quelques cyclistes. » Peut-être une idée pour certains grimpeurs du Postillon...