Accueil > Décembre 2018 - Janvier 2019 / N°48

Les lieux ferment, la ville chiante progresse

Les gens qui font la fête, ça empêche de regarder tranquillement les écrans. Dans 90 % des rues grenobloises, il n’y a heureusement pas de bruit d’humains après 22 heures, juste le doux bruit des moteurs. Hélas, il reste encore quelques endroits où les gens sortent, boivent, parlent, crient. Quel scandale ! Autour de la place Notre Dame, ça fait des dizaines d’années qu’il y a des bars et des étudiants bourrés. Mais depuis quelques temps, de courageux voisins enchaînent les pétitions pour faire fermer temporairement des petits lieux, comme le bar Le Bauhaus l’année dernière. À Saint-Bruno, la reconquête est en marche : depuis quelques années, quelques lieux bizarres troublent les honnêtes gens qui ne demandent qu’à rester tout seuls derrière leurs écrans. Il y a déjà eu une première victoire contre l’Engrenage, salle associative située rue Jean Prévost. L’Engrenage était, depuis deux ans, une sorte de MJC alternative défendant un Grenoble « métissé et populaire ». Pas de subvention, pas de salarié, mais trois concerts par semaine, en plus de cours de zumba, de coupe du monde de babyfoot ou d’accueil des SDF pendant les nuits très froides de l’hiver dernier. Et puis surtout, des personnes qui fumaient des clopes devant le lieu, et qui parlaient, criaient : comment voulez-vous scroller sereinement à côté de ça ? Alors certains riverains ont pétitionné et la mairie a profité d’un problème de sécurité (il manquait une issue de secours) pour fermer administrativement ce lieu atypique, sans proposer de solution alternative (1).
À deux-cents mètres de là, le centre social Tchoukar le 38 occupe illégalement un bâtiment de la Ville de Grenoble depuis trois ans et demi. Ces illégaux organisent des cantines à prix libre, des ateliers vélos, une laverie solidaire, écrivent des textes bizarres et logent des pauvres. Horrible ! Surtout qu’il y a parfois des fêtes où les gens dansent jusqu’à 3 heures du matin : quelle bande de rabat-tristesse ! Heureusement, la préfecture a envoyé la police en nombre les deux premiers samedis de novembre, dans et aux alentours du squat, alors qu’il y avait des soirées festives à l’intérieur. Des opérations qui laissent espérer une expulsion prochaine pour qu’enfin les habitants de Grenoble puissent avoir droit à la même non-vie nocturne.

(1) Depuis, les membres de l’Engrenage font signer une pétition sur papier et sur change.org, pour obtenir un nouveau local. Elle a actuellement reçu plus de 4 000 signatures.