Accueil > Automne 2023 / N°70

Les multiples vies de Jean-François Clappaz

Les limites de l’Adate

Dans le dernier numéro, on consacrait une pleine page au « jardinier artificiel » Jean-François Clappaz, bétonneur en chef de la vallée du Grésivaudan depuis son poste de vice-président de la communauté de communes en charge du « développement industriel ». Des lecteurs nous ont signalé qu’on avait omis d’évoquer toute une partie de son œuvre... réalisée sous une autre de ses casquettes, celle de président de l’association Adate, une association d’aide aux étrangers [1].

« Il y a un turn-over du personnel permanent dans cette association, beaucoup de salariés se barrent. » Lui n’a pas quitté le navire, et préfère quand même utiliser un nom d’emprunt. Bob connaît bien cette association et sait que les conditions de travail sont compliquées depuis longtemps. « En 2014, alors qu’il y avait plus de quatre-vingt salariés, les représentants du personnel-CGT avaient saisi l’inspection du travail pour un certain nombre d’entraves à la législation de la part de la direction  » raconte Bob. Cette crise avait abouti à la démission de la présidente (affiliée socialiste) Gisèle Perez et à la nomination d’un administrateur judiciaire pour gérer les affaires courantes.

Au même moment, la Maison Initiative Emploi (MIE) de Meylan était liquidée. Une structure qui était alors présidée par un certain… Jean-François Clappaz, secondé par son « bras droit » le directeur Jean-Marc Gamba. En juin 2014, Clappaz jurait : « S’il est nécessaire de revoir la voilure à la baisse pour conserver certains emplois plutôt que de fermer tout bonnement la structure, c’est le choix le moins douloureux qui sera privilégié » (www.lebonplan.org, 20/06/2014). Quatre mois plus tard, patatras ! Le « choix le plus douloureux » avait été fait et la structure a été « fermée tout bonnement », avec à la clef le licenciement de quatorze salariés.

Le duo Gamba-Clappaz s’est-il remis en question ? Peut-être, mais alors très rapidement. Car quelques mois plus tard, voilà que le duo profite du vide laissé à la direction de l’Adate pour en prendre les rennes, avec toujours Clappaz au poste de président et Gamba au poste de directeur. Pour Bob, les deux ont petit-à-petit changé l’identité de l’association. «  Avant il y avait plus un côté militant à l’Adate avec une implantation locale. On traitait de plein de sujets autour de l’immigration, on s’associait aux projets des communes comme la lutte contre le racisme, etc. Maintenant, on est juste devenu des hébergeurs, exécutants de la politique nationale de l’État avec la prise en charge des demandeurs d’asile, ou du département, notamment au niveau des Mineurs Non Accompagnés (MNA). » Le président du Département et le président de l’Adate sont du même bord politique. Par ailleurs, Jean-Pierre Barbier est président d’Elegia, le groupe d’intérêt économique où travaille Jean-François Clappaz en tant que chargé de mission.

Ceci explique-t-il le long conflit avec les représentants du personnel-CGT, s’étant notamment cristallisé autour du service traduction/interprétariat ? En 2020, il y avait une trentaine de salariés dans ce service, qui ont été licenciés. La plupart avait des contrats de peu d’heures. Une salariée, qu’on dénommera Camille, raconte : «  La direction a prétexté que le service n’était pas “rentable”  : forcément ce n’était pas possible, on faisait parfois des traductions “gratuites” ou à très petit coût pour permettre à tous d’y accéder. C’était aussi le service où il y avait le plus de sympathisants du syndicat CGT, que la direction avait dans le nez. Liquider ce service était une manière de se débarrasser des derniers Gaulois réfractaires...  » Depuis, certains traducteurs-interprètes travaillent pour l’association Adate, mais sous le statut d’auto-entrepreneur.

Si le directeur général Gamba est parti à la retraite depuis trois ans, Jean-François Clappaz, toujours président, a annoncé son départ à la fin de l’année. Camille assure : «  Depuis l’arrivée du duo, il y a beaucoup de dossiers de l’Adate devant les tribunaux (Prud’hommes, etc..) C’est sûr que c’est compliqué de naviguer entre les donneurs d’ordre et le personnel à qui on demande une énorme disponibilité et beaucoup d’abnégation. Mais la direction ne pensait qu’en chiffre d’affaires, tout en étant dépendante de l’argent public... » Bob conclut : «  Il y a de la souffrance dans cette association, pour les salariés, mais aussi pour les personnes accompagnées, qui subissent parfois la politique du moindre coût.  »

Notes

[1L’acronyme Adate signifiait avant « Association dauphinoise d’accueil des travailleurs étrangers ». Il recouvre maintenant « association pour l’accompagnement et la dignité de l’accueil de tous les étrangers ».