Grenoble à la pointe ! La municipalité n’en finit plus d’innover et vient d’installer dans certaines rues grenobloises des micros. Ce nouveau dispositif baptisé « sono-vigilance » est pour l’instant visible dans les rues Bayard et Auguste Gaché. En phase d’ « expérimentation » pendant un an, le dispositif pourrait être (sûrement ?) étendu à d’autres rues prochainement.
Cette « innovation » entend répondre aux tensions grandissantes entre les riverains et les gérants de certains bars du centre-ville. Rappel du contexte : du mercredi au samedi, à partir de minuit, quelques bars-attrape-étudiants déversent dans les petites rues du quartier Notre-Dame, des wagons de jeunes déchirés particulièrement heureux d’avoir claqué toutes leurs économies dans des cocktails et désireux de communiquer leur joie à tout le quartier, en profitant au passage pour faire preuve de la belle qualité de leurs cordes vocales et de leurs vomis. Le centralisme de la vie nocturne grenobloise, où les bars sont concentrés dans un petit périmètre pendant que tous les autres quartiers-cités-dortoirs offrent très peu possibilités de sortie le soir, atteint ici une de ses limites. Forcément, certains riverains, ne dormant pas la nuit, râlent le jour. Et la mairie se retrouve bien embêtée, coincée entre des habitants-électeurs à qui elle aimerait assurer des nuits tranquilles, et des étudiants qui ne votent pas mais qu’elle ne veut pas heurter pour maintenir son image de ville « attractive », « cool » et « où il fait bon étudier ».
Soucieuse de montrer qu’elle se préoccupe du problème, la municipalité a donc fait poser ces micros afin de « mesurer l’intensité du bruit engendrée par la déambulation » et « d’objectiver le ressenti », comme elle l’a annoncé lors d’une réunion du Conseil consultatif de secteur [1]. Elle a également pris soin de bien préciser que « le terme de sono vigilance a été préféré à sono surveillance », de la même façon que « vidéoprotection » a été préféré à « vidéosurveillance » par les autorités locales et nationales. Pour persuader qu’il ne s’agit pas d’un outil de flicage de plus, elle a également affirmé dans un courrier adressé aux commerçants du coin que « les enregistrements des micros ne seront pas conservés ». Mais comment contrôler cette déclaration d’intention ? Et d’ailleurs pourquoi la mise en place de ce nouveau dispositif - voté à l’unanimité lors du conseil municipal du 19 décembre dernier dans le cadre inoffensif du « Plan municipal de santé » - n’a pas été l’objet de communiqués de presse et d’articles enthousiastes dans Le Daubé ou Les Nouvelles de Grenoble ? La mairie serait-elle une fois de plus gênée aux entournures sur le sujet potentiellement sensible du flicage ?
En tous cas, elle peut se flatter d’agir de nouveau dans le sens du vent sécuritaire. Le son, de plus en plus utilisé comme une arme [2], devient également une matière à flicage dans l’espace public. Un article récent du Monde (« Après la vidéo-surveillance, la sono-surveillance », 22/03/2012) traite du développement actuel de la surveillance sonore : « Mieux surveiller pour mieux sécuriser, cette maxime est bien connue des adeptes de la vidéo-surveillance. Elle s’applique désormais pour le son : enregistrer et décoder les bruits urbains permettent d’identifier plus efficacement les anomalies, et de réagir plus vite (...) ». Pour gérer les « anomalies », les micros vont-ils se généraliser dans les rues de Grenoble ?
Dessins de Larabie.