Accueil > Décembre 2011 / N°13

Habitat «  innovant  » ou «  partagé  » : les copinages de la ville de Grenoble

Fidèle à sa religion l’obligeant à placer partout le vocable «  innovation  » (ou un de ses dérivés), la Ville de Grenoble a lancé depuis quelques années des appels à projets pour des «  habitats innovants  ». Voici un exemple d’annonce, publié en janvier 2009 dans les pages des annonces légales du Daubé et des Affiches : «  La direction de l’urbanisme de la Ville de Grenoble lance un appel à projet à l’occasion de la cession de 3 biens : cours Berriat, rue Max Dormoy et rue Pascal. L’appel à projets s’adresse à d’autres personnes que des professionnels de l’immobilier ayant un projet d’habitation innovant qui intègrerait une grande qualité environnementale. Les projets devront répondre aux trois objectifs suivants : 1. Projet comportant des logements pour familles avec enfants, dont les revenus sont inférieurs au seuil d’accession sociale. 2. Projet intégrant une grande qualité environnementale. 3. Projet dont le programme est innovant en terme de mixité des usages et des fonctions (auto promotion, intergénérationnel, formes urbaines...)   ».
L’intention est plutôt louable : vendre à bas prix des petits terrains appartenant à la ville à «  d’autres personnes que des professionnels de l’immobilier   » pour permettre des projets originaux d’habitat, rentrant pour la plupart dans la nouvelle mode de «  l’habitat partagé   », c’est-à-dire regroupant plusieurs foyers. Le problème c’est que, pour l’instant, les «  habitats innovants  » semblent surtout bénéficier… à des professionnels de l’immobilier, et notamment à des salariés de la Ville de Grenoble.

Jugez plutôt :

  • En 2006, la ville cède un terrain de 1760 m2 situé rue de Stalingrad à l’agence immobilière RTI (Réalisations et Techniques de l’Immobilier) (Conseil Municipal du 4 Juillet 2006). Ce terrain avait pourtant fait l’objet d’un appel à propositions d’«  habitat innovant  », stipulant que «  ce programme viserait à permettre à des personnes autres que des promoteurs de proposer de nouvelles formes d’habitation intégrant la Qualité Environnementale et un programme innovant de type mixité des usages, des générations  ».
  • Le premier projet d’habitat groupé grenoblois, La Salière, dans le quartier des Eaux Claires, possède entre autres membres F. M., technicien à la Ville au service «  Foncier/gestion Immobilière  ».
  • Le terrain rue Marx Dormoy a finalement été vendu, au prix largement rabaissé de 35 000 euros (pour un terrain de 238 m2 en plein cœur du prisé quartier Saint-Bruno) à la famille A.-C. (registre des délibérations municipales, 14 décembre 2009). La seule originalité du projet est la présence d’un «  atelier d’artiste   », Monsieur étant artiste. Et Madame ? Elle est «  architecte conseil   » et «  experte de faisabilité/PLU  » à la Ville de Grenoble.
  • Le terrain cours Berriat devait être attribué à un regroupement de quatre foyers. Après une scission dans le groupe et l’élaboration de deux nouveaux projets, la Ville a finalement choisi de vendre le terrain au groupe dont fait partie J. Félix-Faure, architecte de son état, ayant déjà travaillé pour la ville de Grenoble, et membre de la célèbre fratrie des architectes grenoblois Félix-Faure, partenaires privilégiés de la ville. Judith Félix-Faure va même installer sur ce terrain son cabinet «  ZIP Architecture  » (Délibération du Conseil Municipal du 17 /10/2011).

On voit donc que ce projet généreux, censé bénéficier à des personnes «  aux revenus inférieurs au seuil d’accession sociale  », autres que des «  professionnels de l’immobilier   », profite surtout à des «  professionnels de l’immobilier   » et ceux qui ont le bon goût de s’acoquiner avec eux savent remplir les dossiers comme il faut, faire les plans comme il faut, assurer des garanties financières comme il faut et rassurer la mairie comme il faut. Pour l’instant, la domination des aspects «  techniques  » et le manque de volonté ont balayé les belles intentions sociales initiales.