Accueil > Fevrier-Mars 2020 / N°54

L’uberisation de la démocratie

Pour les municipales, Le Daubé a noué un partenariat avec la plateforme Make.org afin de « vous permettre de faire vos propositions. Sur notre site internet et sur la plateforme Make.org, vous pouvez déposer des propositions d’actions et voter sur les contributions des internautes. Un bon moyen de faire vivre la démocratie sur le mode participatif.  » Comment ne pas vouloir faire « vivre la démocratie  » grâce à une start-up voulant sauver le monde ? Le fondateur de Make.org est un certain Axel Dauchez, ancien président de Publicis, un des principaux groupes de com’ mondiaux. Son nouveau business plan fait partie des « civic techs  », un secteur qui a l’air d’intéresser de plus en plus les investisseurs : à sa naissance Make.org est parvenu à lever 2 millions d’euros afin « d’ubériser l’appel citoyen ». Mais c’est pour la bonne cause : face à « l’abstention grandissante aux élections, la montée des extrêmes, la radicalisation, l’expatriation  », Make.org « utilise le meilleur des technologies au service de l’engagement citoyen pour réactiver nos démocraties européennes avant qu’il ne soit trop tard ». En plus de la plateforme participative, la start-up promet donc de faire du « crowd-lobbying », c’est-à-dire « d’identifier les personnes impliquées dans les décisions pour déclencher des vagues de lobbying, pour pousser in fine les élus à s’engager  », et du «  factwall  », soit « le Google du service public pour suivre en temps réel les engagements politiques de chaque acteur public ». Que de mots barbares pour une simple entreprise de lobbying. Comment croire que cela pourrait « revivifier la démocratie » alors que ces campagnes ne risquent pas d’intéresser les abstentionnistes et «  radicaux  » mais seront plutôt réservées aux heureux connectés, habitués des mobilisations à coups de clics ? Les causes qui ont des chances d’avancer avec ce genre de dispositif seront soit consensuelles, soit avantageuses pour des gros groupes de pression, capables d’organiser la participation sur la plateforme, le « crowd-lobbying  » puis le « factwall ». Ces processus complexes ne servent qu’à faire croire au « pouvoir citoyen » alors que les décisions se prennent de plus en plus dans des institutions éloignées des simples habitants (métropoles, régions, Union européenne, institutions internationales). Plutôt que de vouloir ubériser la démocratie, il faut avant tout la relocaliser.