Accueil > Avril / Mai 2012 / N°15

Le «  torchon de luxe  » répond à Fioraso

Rompant avec les habitudes des notables locaux qui réagissent aux écrits du Postillon uniquement par l’indifférence, la multi-mandatée Geneviève Fioraso s’est fendue d’un billet sur son blog (le 20/02/2012) pour répondre à l’article qui lui était consacré dans le dernier numéro du Postillon. Nous ne résistons pas au plaisir de vous faire lire sa prose, entrecoupée de nos commentaires.

«  Courage, fuyons les journaux anonymes et calomnieux. Depuis quelques jours, je suis la cible d’un journal de 12 pages, en couleur, distribué et vendu dans l’agglomération. Quatre pages sont consacrées à l’action que je mène depuis maintenant plus de 10 ans, avec de nombreux partenaires publics et privés, pour maintenir et développer des emplois diversifiés dans l’agglomération  ».

À force de manipuler les millions d’euros , Geneviève Fioraso ne sait plus compter. Le «  journal  », dont elle ne cite jamais le nom (cela veut-il dire que tous les lecteurs de son blog le connaissent ?) ne fait pas douze pages, mais seize, et l’article qui lui est «  consacré  » trois pages et non quatre.

«  Naturellement, vous l’aurez compris, il s’agit de quatre pages non pas de critiques auxquelles j’aurais pu répondre ou qui mériteraient un débat, mais de quatre pages d’accusations calomnieuses, avec des citations sorties de leur contexte, des informations délirantes sur mes présupposées actions et motivations, sur d’hypothétiques revenus comme si les rédacteurs de ce torchon (de luxe tout de même : qui finance ?) ne savaient pas qu’en France, et c’est heureux, tous les députés de base, dont je suis, reçoivent les mêmes indemnités et que les indemnités des élus sont plafonnées  ».

«  Accusations calomnieuses  » ? «  Informations délirantes  » ? Si Geneviève Fioraso ne prend pas la peine d’étayer ses propos, c’est qu’elle sait bien qu’il n’y a rien de «  calomnieux  » ni de «  délirant  » dans cet article : toutes les informations et leurs sources sont vérifiées et vérifiables. Par contre, il y a effectivement quelques «  citations sorties de leur contexte  » : par exemple quand nous avons rappelé le soutien énergique de Fioraso à DSK  : «  celui qu’il nous faut (…), stable et pas compulsif (...)  », nous avons omis de rappeler le contexte. À l’époque de cette citation, DSK était en tête des sondages et il était donc normal -pour tout socialiste normalement opportuniste- de le soutenir sans réserve. Ce que ne supporte pas Geneviève Fioraso, c’est que nous n’ayons pas procédé comme les autres journalistes de la cuvette qui, pour dresser le portrait d’une personnalité, se contentent généralement de l’interviewer. Cette coutume cire-pompes a donné de biens mauvaises habitudes aux notables locaux, qui ne supportent plus la critique et aimeraient qu’on leur demande la permission avant d’écrire quoi que ce soit sur eux. Le Postillon tâche simplement de les rééduquer à de meilleures manières.
Quant à ses revenus, ils ne sont pas «  hypothétiques  » mais bien réels. Si nous savons que les députés de base reçoivent les mêmes indemnités, nous n’oublions pas que Geneviève Fioraso est plus qu’une députée de base puisqu’elle cumule de nombreux autres postes indemnisés (voir Postillon n°14). Respecte-t-elle le seuil de plafonnement des revenus des députés (9 857,49 € bruts, ce qui la placerait déjà parmi les 2% de français les plus riches) ou est-ce qu’elle le dépasse, comme certains autres députés ? Pour clarifier la situation, il ne lui reste plus qu’à publier ses bulletins de paie sur son blog.
Enfin, pour savoir «  qui finance  » ce «  torchon de luxe  », nous ne pouvons que conseiller à Geneviève Fioraso d’enquêter. Est-ce le Qatar, qui chercherait à augmenter son influence en France en injectant des liquidités dans cet influent média ? Ou la Chine, qui voudrait plomber la métropole grenobloise pour faire émerger ses propres centres de recherche ? Ou – encore pire – ce journal serait-il archaïque au point d’être simplement financé par ses lecteurs et rédigé par des bénévoles ? Mystère.

«  Une remarque au passage, presque drôle si tout cela n’était pas aussi désolant au fond : le chèque qui me fait passer pour une «  Miss dollar  » était un chèque remis à l’association «  Un toit pour tous  » par des sponsors que j’avais aidé l’association à mobiliser : cette association propose des logements accessibles aux personnes les plus en précarité dans l’agglomération  ».
À propos d’« Un toit pour tous  », voir la réponse au courrier d’un lecteur dans l’encart.
Quant à «  Miss dollar  », il s’agit simplement du surnom que lui donnaient ses collègues de Corys. C’est elle-même qui l’a raconté au Journal des Entreprises (02/10/2009) : «  Il m’appelaient Miss dollar, s’amuse-t-elle. C’est vrai  ». Être fière d’un tel surnom : voilà quelque chose de «  désolant, au fond  ».

«  Il est vrai que des rédacteurs-accusateurs qui vendent un journal dont les membres de la rédaction sont anonymes ou pire portent le nom de Pierre Bérégovoy ou Mister Brown ne sont pas à un mensonge près. Ce sont les mêmes anonymes qui ont placardé la ville avec des affiches honteuses et racistes, en faisant passer le Pr Benabid, neurochirurgien reconnu dans le monde entier, qui a sauvé des centaines de vie, pour un charlatan  ».

«  Ce sont les mêmes anonymes  » : encore une fois, Fioraso affirme sans prouver quoi que ce soit si ce n’est son aversion pour toutes les personnes qui osent contester les notables grenoblois, aussi haïssables pour elle que «  l’anti-France  » l’était pour Maurras. C’est que le professeur Bénabid, initiateur de Minatec, est un de ses amis et qu’il est beaucoup plus facile d’accuser ceux qui contestent ses travaux de racisme (voir l’affiche ci-dessus) plutôt que de vouloir s’interroger sur les dangers du développement des neurotechnologies. La manipulation potentielle de la pensée permise par ses travaux n’effraie pas Fioraso qui, c’est vrai, a déjà tous les réflexes d’une «  police de la pensée  ». Pour elle comme pour les tenants de l’ordre «  politiquement correct  », critiquer une personne au patronyme maghrébin – surtout quand il est professeur et qu’il «  a sauvé des centaines de vies  » - revient à faire preuve de racisme, même si la critique ne porte pas sur ses origines. Ce qui est «  honteux  », ce n’est pas une poignée d’affiches satiriques collées en ville, mais les tentatives de manipulation de Fioraso pour discréditer les critiques.
À ce propos, Fioraso fait étalage de toute sa mauvaise foi en martelant le mot «  anonyme  » pour jeter l’opprobre sur Le Postillon, journal dont l’ours comporte de vrais patronymes, qui répond aux courriers et e-mails et qui est vendu à visage découvert à la criée, notamment sur les marchés et les manifestations. Il est vrai qu’on ne croise que très rarement Fioraso dans ce type d’endroits, à la différence des colloques du World Trade Center ou de Minatec.
Dans son élan, Fioraso, qui aime tant mettre sa personne et son patronyme en avant, confond tout : l’anonymat, le « pseudonymat » et le mensonge. Elle ne comprend visiblement rien aux raisons politiques qui peuvent pousser à choisir l’anonymat ou le « pseudonymat ». Comme nous avons déjà justifié notre choix de ne pas signer nos articles (voir Le Postillon n°12), nous nous contenterons cette fois-ci d’une citation d’une célèbre personnalité. L’anonymat, «  c’est une manière de m’adresser plus directement à l’éventuel lecteur, le seul personnage qui m’intéresse  : ‘‘puisque tu ne sais pas qui je suis, tu n’auras pas la tentation de chercher les raisons pour lesquelles je dis ce que tu lis  ; laisse-toi aller à te dire tout simplement  : c’est vrai, c’est faux, ça me plaît, ça ne me plaît pas. Un point, c’est tout’’  ».
«  De telles méthodes ne vous rappellent rien ? Elles nous rappellent des périodes troubles de notre histoire, les tracts diffamatoires et anonymes que recevait Hubert Dubedout et ceux qui ont été distribués pendant la campagne des législatives qui m’a opposée à Alain Carignon en 2007. De telles méthodes, profondément antidémocratiques, sont d’autant plus méprisables qu’elles sont anonymes. Alors dénonçons-les et méprisons-les  ».

Pas à une manipulation près, la multi-mandatée met sur le même plan un texte sourcé diffusé par un journal indépendant, où toutes les informations sont vérifiables, et des tracts comportant de fausses informations diffusés en cachette par les petites mains du plus puissant parti politique de France (en l’occurrence des amis de Carignon en 1983 et 2007). Et pour finir dans la finesse et l’originalité, elle compare le tout aux «  périodes troubles de notre histoire  », c’est-à-dire à la guerre et à la collaboration. Mais concrètement, c’est quoi ces «  périodes troubles  » ? C’est le régime de Vichy, soutenu à ses débuts par François Mitterrand. C’est la collaboration active durant des années des autorités grenobloises avec l’occupant, et notamment du maire radical-socialiste Paul Cocat (qui se mit à «  résister  » seulement en 1944). C’est la collaboration des grandes entreprises de la région, des biscuits Brun au Petit Dauphinois en passant par la cimenterie Vicat [1]. En tous cas rien qui n’ait à voir avec un texte critiquant une politique dominante menée depuis des dizaines d’années dans la cuvette.

Ce qui est «  profondément antidémocratique  », en revanche, c’est par exemple la situation de l’information locale, souffrant d’un manque de pluralisme et d’une dépendance financière à l’égard des institutions locales, l’empêchant de remplir son rôle de contre-pouvoir. Mais de ceci, Fioraso, qui a toujours apprécié que les journalistes locaux se contentent de relayer docilement ses communiqués de presse, ne s’en plaindra jamais. Elle préfère faire croire sur la chaîne de l’Assemblée nationale LCP (04/01/2011) qu’elle est ouverte à la critique  : «  C’est aussi l’idée quand on travaille avec des plus jeunes qui vous dérangent, qui ne vous font pas de cadeaux. À aucun point de vue d’ailleurs. Ils vous regardent à la télé, ou en magazine et ils critiquent tout, les fringues, le vocabulaire que vous utilisez, les options que vous pouvez avoir. (…) J’adore ça. C’est la vie  ».
Même s’il ne parlait pas de ses «  fringues  », le texte paru dans Le Postillon n°14, ne faisait rien que ça : écrit par «  des plus jeunes  », il «  critiquait tout  » et ne lui «  faisait pas de cadeaux  ». C’était «  la vie  » quoi. Mais visiblement, elle n’a pas «  adoré  ».

Courrier d’un lecteur

«  Je viens de parcourir votre numéro de février 2012. J’y vois une photo de Fioraso avec un chèque de 45 000 euros libellé à l’ordre d’Un toit pour tous, association grenobloise qui œuvre, entre autre pour l’insertion par et pour le logement et dont l’objectif est tout sauf mercantile. Je vous avoue que si je comprends le message et l’allusion j’en reste pas moins choqué car l’association mérite mieux que des allusions de ce genre et l’amalgame peut être fait. Il est dommage, je trouve, de publier si rapidement des images dont le sens réel est à l’opposé du message de l’article  ». JBB.
Le Postillon : Cette photo, que nous avions choisie uniquement pour la taille du chèque que Fioraso tenait en main, n’était effectivement pas la plus judicieuse pour illustrer cet article. Nous nous excusons donc auprès des membres ou sympathisants d’ «  Un toit pour tous  » de ce choix inapproprié.

Notes

[1Voir Pierre Giolitto, Grenoble 40 – 44, Éditions Perrin, 2001.