Accueil > Decembre 2021 - Janvier 2022 / N°63

Édito

Allô Allô Allô Allô

Le 22 octobre dernier, l’Oirct (observatoire international pour la réinstallation des cabines téléphoniques) organisait une journée de cabine téléphonique mobile qui a rencontré un certain succès, au moins médiatique, avec des articles dans Le Dauphiné Libéré, Place Gre’net ou L’âge de faire. Il y a eu beaucoup d’appels passés depuis la cabine téléphonique – remorque à vélo qui s’est posée un peu place Saint-Bruno, un peu boulevard Joseph Vallier et un peu square Docteur Martin. C’est vrai qu’il y a eu surtout des répondeurs au bout du fil, parce que souvent de nos jours, les gens ne décrochent pas quand il s’agit de numéros inconnus. Mais il y a quand même eu des bons anniversaires, des je t’aime maman et des je te jure je t’appelle depuis une cabine viens essayer vite avant qu’elle parte. Il y a aussi eu des discours et un beau poème, et puis un concert interrompu à 20h30 par la police appelée par des voisins apparemment musicophobes. Pas grave, la soirée fut belle quand même.

Alors bien sûr, dans les commentaires des articles de presse, il y a les éternels râleurs « Y’en a qui bossent et d’autres qui sont perchés dans leur univers !!! Waouh mais au secours », les éternels flippés «  bonne idée, mais qui va payer les actes de vandalisme ?  » et les éternels moqueurs ultra-progressistes « À quand la réinstallation des lavoirs pour lutter contre l’évolution qui abime le linge ?  »

Dans la rue, on n’a pas croisé des rageux connectés, mais pas mal d’habitants plutôt curieux, amusés, voire enthousiasmés par la démarche. Après avoir expliqué à un passant que militer pour le retour des cabines, c’était surtout une manière de se battre contre la numérisation généralisée, il a répondu : « Ah ben vous avez raison. Moi je connais bien la numérisation généralisée, je bosse dedans. Et c’est pour ça que je peux vous dire que vous avez raison de vous battre contre.  »

Après cette sympathique journée, reste la question éternelle : que faire ? Comment parvenir au véritable retour des cabines dans les rues, en dehors d’une journée de cabine mobile ? Alors qu’il ne reste que 26 des 300 000 cabines qui existaient en France en 1997 [1], l’objectif premier de l’Oirct est d’engager « la remontada des cabines  » (que leur nombre reparte à la hausse) à Grenoble et partout en France, voire dans le monde. D’ailleurs, des nouvelles enthousiasmantes nous sont parvenues d’Australie où les 15 000 téléphones publics viennent d’être rendus gratuits pour les appels sur fixes et mobiles dans le pays par l’opérateur Telstra. L’article de lesactualites.news (02/08/2021) donne des arguments pour montrer à quel point la désaffection pour les cabines en France doit beaucoup plus à leur abandon progressif qu’à un désintérêt du public : « L’Armée du Salut a qualifié cette décision de “changeur de jeu” qui pourrait aider à sortir les Australiens vulnérables de “l’isolement social”, tandis que l’Australian Communications Consumer Action Network a également salué cette décision comme une bouée de sauvetage vitale des villes aux zones régionales. Le directeur général de Telstra, Andy Penn, qui annoncera le changement lors d’un événement mardi matin, a déclaré que plus de 11 millions d’appels téléphoniques avaient été passés à l’aide de téléphones publics en Australie l’année dernière malgré leur réputation d’artefacts historiques. “C’est intéressant parce que maintenant les gens regardent les téléphones publics et supposent simplement qu’ils appartiennent au passé et que plus personne ne les utilise”, a-t-il déclaré. “Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité.” »

Et chez nous ? Pour continuer à faire vivre cette envie de cabine, l’Oirct a trois idées :

• proposer d’utiliser la « cabine mobile » aux organisateurs d’évènements (festivals ou autres). Pour que la cabine fonctionne, il faut être à moins de 25 mètres d’une box avec un forfait illimité sur les fixes et portables.

• réinstaller pour de vrai des cabines pérennes. Pour cela, il faut des emplacements avec un espace pour une cabine ou un module téléphone ainsi qu’un accès à une prise électrique. L’accès à une box Internet serait l’idéal. Si vous avez des idées d’emplacement, n’hésitez pas à contacter l’observatoire, bien entendu tous les éventuels frais seront pris en charge. Essayer de réinstaller au moins une cabine à Grenoble, c’est l’objectif premier dans les prochains mois. Si jamais ils parvienent à en réinstaller plein, ils sont d’ailleurs à la recherche d’anciennes cabines ou de toute construction pouvant faire office d’abri pour téléphone.

• proposer aux bars ou autres commerces disposant de téléphones fixes avec forfaits illimités de mettre à disposition de clients ou passants leur téléphone, gratuitement ou contre un prix modique (5 centimes l’appel par exemple). Si cette proposition a de l’écho, une signalétique commune pourrait indiquer que dans cet établissement, on peut passer un coup de fil.

Pour parvenir au retour des cabines, l’Oirct reste ouverte à toutes les bonnes volontés et toutes les bonnes idées. Comme dirait Jean-Jacques Goldman, s’il le faut, on emploiera même des moyens légaux.

Oirct.org
oirct@gresille.org
0476941865

Notes

[1Ce chiffre de 26 cabines encore fonctionnelles est issu d’un article du bulletin des communes d’avril 2021. Selon la réalisatrice Floriane Devigne, autrice d’un documentaire à paraître « Les cabines, la France et moi  », il y en aurait en fait encore moins qui fonctionneraient, moins de 10. Selon une lectrice, il en resterait une en fonctionnement à Colomieu, dans l’Ain, à seulement 1h15 de Grenoble en voiture. Si vous passez par là, n’hésitez pas à aller passer un coup de fil, la faible utilisation des cabines étant l’argument principal d’Orange pour les enlever.