Accueil > Avril / Mai 2016 / N°35

Au Village Olympique, on en fait des caisses pour la ministre

Des voitures enlevées par la fourrière sans motif apparent, des explications confuses des policiers... Tout ceci s’est déroulé au moment de la visite à Grenoble de la nouvelle secrétaire d’État à la politique de la ville, Hélène Geoffroy, le 19 février. Un événement qui n’en est plus vraiment un depuis les émeutes de 2010, tant les ministres ont fait du passage à la Villeneuve et au Village Olympique une étape incontournable de tout déplacement isérois. En quatre ans de mandat de François Hollande, les habitants des deux quartiers ont ainsi vu défiler François Lamy et Valérie Fourneyron en 2012, Najat Vallaud-Belkacem et Aurélie Filippetti en 2013 ou encore Patrick Kanner en 2015. À ce rythme-là, on s’attend d’un jour à l’autre à la tenue d’un conseil des ministres à la Villeneuve. Dernière en date donc, Hélène Geoffroy qui leur a carrément réservé, le vendredi 19 février, son premier déplacement depuis sa nomination, une semaine auparavant. Au programme : une visite du chantier de renouvellement urbain de la Villeneuve et une rencontre avec les membres des conseils citoyens – le nouveau dispositif à la mode que la secrétaire d’État entendait promouvoir. Sa venue n’a pas fait que des heureux. François ( [1]), jeune résident de la rue Alfred de Musset, au Village Olympique, raconte sa mésaventure : « Je me suis servi de ma voiture dans la nuit de mercredi à jeudi puis je l’ai garée dans ma rue, sur une place gratuite, comme d’habitude. Il n’y avait aucun panneau ni affichage à ce moment-là, aucune mention d’une éventuelle interdiction de stationner », assure-t-il. N’ayant pas de raisons de se méfier outre mesure, il n’est, comme souvent, « pas allé la voir le lendemain ni le surlendemain ». Mal lui en a pris... En venant la récupérer le samedi, c’est la surprise : pas de voiture ! « Quand je m’en suis aperçu, j’ai fait cinquante fois le tour du quartier dans le week-end », précise-t-il. « Le lundi, je suis donc allé faire une déclaration de vol au commissariat de quartier de La Bruyère, ils ont effectué la vérification et m’ont dit que ma voiture était à la fourrière. » François affiche alors son incompréhension : « Les policiers m’ont indiqué qu’ils l’avaient embarquée jeudi, dans la matinée, mais sans vraiment me donner d’explications. D’après ce que j’ai cru comprendre, ils ont enlevé toutes les voitures qui semblaient ne pas avoir roulé depuis plusieurs jours. » Son cas n’est en effet pas isolé. Un bref passage au Village Olympique le confirme ainsi très vite. Il ne faut pas plus de quatre ou cinq personnes interrogées au hasard pour tomber sur Kamel ( [2]), domicilié dans la même rue que François. Lui aussi narre quasiment la même histoire : la voiture stationnée jeudi 18 sur une place gratuite, la surprise en allant la chercher, en vain, trois jours plus tard, le dépôt de plainte au commissariat de la Bruyère et la même réponse - « elle est à la fourrière ». Et à en croire les deux hommes, ils ne sont sans doute pas les seuls car « il y avait un grand nombre de voitures garées dans la rue, jeudi et vendredi ». Heureusement, plus de peur que de mal puisque tous deux ont pu récupérer leur véhicule « sans rien payer à la fourrière ». Une restitution gratuite qui sonne comme un aveu de culpabilité. « C’est bien la preuve que c’était injustifié », s’exclame Kamel. « S’ils avaient eu une bonne raison de l’enlever, ils m’auraient fait payer : quand ils peuvent soutirer de l’argent, ils ne se privent jamais ». Alors, qui a pris cette décision et pourquoi ? Nos différents coups de fil se sont malheureusement révélés infructueux : l’attachée de presse de la préfecture ne nous a pas rappelés, le commissariat de quartier de La Bruyère nous a renvoyés vers l’Hôtel de police que nous n’avons jamais réussi à joindre, malgré plusieurs tentatives. Faut-il y voir une volonté de faire place nette sur le parcours d’Hélène Geoffroy ? François a eu tout le temps de cogiter : « C’était peut-être pour donner une bonne image du quartier pendant la visite de la ministre, en dégageant les voitures sales ou qui ne présentaient pas bien. Après, la mienne [une monospace aux vitres teintées] n’est pas nickel mais elle n’est pas pourrie non plus... Ça n’a aucun sens ! Et ils auraient au moins pu prévenir les gens : même si ça ne m’a rien coûté au final, je n’avais pas que ça à faire de traverser Grenoble jusqu’à la fourrière... Et ça m’aurait évité une bonne frayeur. »

Notes

[1Le prénom a été modifié à la demande de la personne interrogée

[2Le prénom a été modifié à la demande de la personne interrogée