Accueil > Automne 2019 / N°52

Chartreuse : très haut débit d’absurdités

Pour beaucoup, c’est la pire des injustices de notre temps. Dans certains endroits reculés, le haut débit n’est pas encore accessible. Rendez-vous compte : impossible de télécharger un film en quelques minutes, de faire fonctionner son GPS correctement ou de réaliser du télétravail efficace. On est au XXIème siècle et y’a des villages ou y’a pas vraiment internet ? Non, mais allô quoi ? Que certains n’aient pas de toit ou mangent dans les poubelles passe encore, mais le manque de réseau, la « fracture numérique » c’est vraiment insupportable. Heureusement, les élus et les opérateurs téléphoniques font tout ce qu’ils peuvent pour faire disparaître les dernières zones blanches, pour qu’enfin on puisse vivre partout comme en ville. Le département de l’Isère a débuté en 2017 un chantier Très Haut Débit qui permettra de couvrir 92 % du département. Un « investissement total d’un demi-milliard d’euros  », mais quand on aime les gigaoctets on ne compte pas. La Chartreuse fait partie des territoires enfin libérés de l’oppression de la déconnexion. Pour y parvenir, le Département a dû construire un local fibres optiques à Saint Pierre de Chartreuse, au hameau de la Diat, sur un terrain plat (c’est rare dans le coin) et joli en plus. Une sorte de boîtier électrique géant ne correspondant pas franchement aux règles de l’architecture cartusienne. Toute nouvelle construction dans le massif doit normalement respecter quelques traditions locales (toit à quatre pans, bardage aux deux-tiers et maçonnerie au tiers inférieur, fenêtres plus hautes que larges, etc. ) pour s’intégrer au mieux dans le paysage. Mais le Graal du haut débit permet de faire passer n’importe quelle bouse architecturale, comme l’ont joliment signalé quelques panneaux posés en juin dernier (voir photo). Au moins les Chartrousins pourront regarder en streaming des documentaires sur l’architecture traditionnelle du Périgord éternel... ce qui ne semble néanmoins pas faire sauter de joie cet autochtone rencontré : « On dépense des mille et des cents pour ce machin alors que malgré de nombreuses requêtes et pétitions, il n’y a pas un rond pour gérer la base, c’est-à-dire les eaux usées et l’eau potable. A Saint-Pierre-de-Chartreuse, 44 % de l’eau se perd dans des fuites, plus de la moitié des bornes incendies ne sont plus opérationnelles, le chlore et surtout les organochlorés cancérigènes empoisonnent l’eau du robinet faute de sous pour des tubes UV. Pour finir un grand nombre d’habitations n’a pas de véritable assainissement et pollue les torrents...  » Heureusement de nouveaux investissements vitaux sont au programme : en mars dernier, le sénateur Didier Rambaud annonçait que « trois pylônes 4G destinés à couvrir la zone de Saint Pierre d’Entremont et de Saint Pierre de Chartreuse seront construits dans un délai de 12 à 24 mois  ». Joie ! Grâce à ces nouvelles merveilles architecturales, les habitants pourront encore plus rapidement télécharger sur Youtube des tutos pour apprendre à déchlorer leur eau tous seuls...