Au détour d’une rue, un facteur grenoblois, prudemment anonyme, témoigne : « De toute façon, la privatisation, cela fait un moment qu’elle se prépare. Déjà depuis plusieurs années, on ne doit plus parler d’ « usagers » de La Poste mais de « clients », ce qui est très symbolique du changement de logique. Pour la direction, il faut avant tout réduire les coûts, alors ils rallongent les tournées et changent l’organisation pour ne pas avoir besoin de remplaçants. Au mois de septembre, le chef de La Poste Isère Savoie s’est même fait mettre au placard car il avait embauché trop de CDD pendant cet été. Les sous-chefs sont sous pression et nous donnent des ordres qu’eux-mêmes trouvent débiles. Tous les quinze jours, on nous rajoute une connerie à faire. Un jour, c’est un service autrefois gratuit que l’on doit maintenant faire payer aux « clients », comme les collectes de courrier pour les commerçants et entreprises, un autre c’est un autocollant qu’on doit coller quand autrefois un coup de tampon suffisait. Le plus ridicule, c’était au début de cet été quand on nous a demandé le plus sérieusement du monde de vendre le maximum de timbres de Johnny Halliday à nos « clients ». Et puis ils se foutent ouvertement de notre gueule : un jour, vers mi-octobre, ils nous ont annoncé qu’ils allaient compter le volume de courrier afin de « réajuster », c’est-à-dire rallonger, les tournées. Comme par hasard, ce jour-là, il n’y avait rien car une bonne partie avait été bloquée au centre de tri... »
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