Il n’y a pas eu d’avis officiel de décès, mais le numéro de Polenta sorti en février laisse entendre qu’il sera le dernier. L’équipe actuelle faisant tourner le journal indépendant chambérien depuis l’automne 2015 a d’autres plats sur le feu, et personne ne se manifeste pour prendre la suite.
Au Postillon, on aimait bien Polenta, et pas seulement parce qu’ils avaient complètement pompé notre maquette. Aussi parce que sa lecture, même incomplète, nous permettait toujours d’entrevoir un bout de la vie chambérienne, de plonger dans une histoire de la part libertaire du séparatisme savoisien, de partir avec Jean-Jacques Rousseau à la découverte de jardins ouvriers en danger, de mieux connaître quelques notables locaux ou d’essayer de comprendre les articles énigmatiques de la dernière page. Des petits plaisirs instructifs auxquels les Chambériens ne pourront plus goûter.
On parle beaucoup des soucis d’argent et de poursuites judiciaires à propos de la presse locale indépendante (tout notre soutien d’ailleurs au Ravi, journal indépendant de la région Paca attaqué en diffamation par un obscur politicien de droite lui réclamant 32 500 euros). Problèmes réels, mais qui occultent l’enjeu principal de l’existence d’une telle anomalie moderne. L’envie. Le désir. Pas seulement de celles et ceux qui fabriquent avec des bouts de ficelle cette information indépendante. Mais surtout des personnes à qui elle est destinée : les habitants du coin. Plein de gens trouvent qu’on est trop ceci ou pas assez cela, ont l’impression de se salir les mains en nous lisant, et préfèrent tranquillement s’informer en zappant sur leur fil Facebook, plutôt que de prendre le risque de se faire surprendre par nos longs papiers. Nous, on ne demande pas aux gens d’être d’accord avec nous, juste de prendre un peu de temps pour être curieux de notre production. Une information locale indépendante, ça s’entretient : avec des encouragements, des critiques, des engueulades, des tuyaux, des idées. à l’époque de Twitter, et des débats hystériques incessants, ce qu’on propose est effectivement complètement à contre-courant. Quitter son écran, prendre le temps de se plonger dans un papier, confronter notre matière à réflexion avec ses connaissances et ses idées, c’est un peu plus compliqué que de balancer un post sur la polémique du moment en dix secondes. Mais quand même plus intéressant, non ?