Accueil > Octobre 2009 / N°02

Un été à Grenoble

Industries partout, baignade nulle part

«  Les eaux de baignade sont de bonne qualité en Isère  ». La Préfecture – relayée par les médias locaux – s’est enorgueillie, en plein milieu du caniculaire été grenoblois, de la «  bonne qualité microbiologique des 25 baignades répertoriées dans le département  » (communiqué de presse du 7 août).

Parmi ces sites, aucun ne se situe dans l’agglomération grenobloise. Et pourtant de l’eau il y en a, dans cette cuvette traversée par l’Isère et le Drac. Mais qui a envie de se baigner dans l’un de ces deux fleuves  ? Aujourd’hui plus personne. L’impossibilité de se baigner dans ces cours d’eau est pour tout le monde devenue une évidence.
Et pour cause. L’Arc accueille les rejets des usines chimiques et métallurgiques de la vallée de la Maurienne (dont cinq sites Seveso, présentant des risques d’accidents majeurs) avant de se jeter dans l’Isère, qui collecte elle les pesticides des agriculteurs industriels du Grésivaudan ou les produits toxiques des usines à puces de STMicro.

La Jonche, petite rivière de la Matheysine, présente des traces de mercure et d’arsenic (provenant des entrailles des mines fermées du plateau), qu’elle déverse dans le Drac. Ce dernier ramasse nombre d’effluents (mercure, chlore...) des usines chimiques de Pont-de-Claix et de Jarrie avant de rejoindre l’Isère. C’est officiel depuis cet été, l’Isère, le Drac et la Romanche sont polluées aux PCB, dérivés chimiques chlorés, entraînant l’interdiction de commercialisation et de consommation des poissons pêchés.

Ce recensement non-exhaustif donne une petite idée de ce que l’on pourrait trouver si l’on s’amusait à faire une «  analyse microbiologique  » de l’eau au confluent du Drac et de l’Isère. Peut-être y-aurait-il de quoi faire une bombe, en tout cas de quoi passer l’envie à quiconque de se baigner ici.

La gestion des cours d’eau rentre dans les mêmes logiques que celle des parcs naturels : protéger quelques endroits pour mieux pourrir tout le reste. Ainsi, aujourd’hui en Isère, doit-on se contenter de 25 sites de baignade de «  bonne qualité  » et regarder partout ailleurs couler l’eau polluée. Les baignades ont été volées, sacrifiées sur l’autel du développement économique et industriel. Bien entendu, les fleuves servent depuis très longtemps de tout-à-l’égout. Mais la pollution est devenue bien plus dangereuse, invisible et perverse avec le développement industriel, et ce n’est pas les récents beaux discours «  écologistes  » qui risquent de la faire disparaître.

Et pourtant, un été grenoblois serait autrement plus agréable si l’on pouvait à tout moment piquer une tête dans l’Isère ou le Drac. Si l’on était pas obligé, pour se rafraîchir, de se presser dans une des piscines sur-chlorées et surpeuplées, d’affronter l’eau glacée d’une des cuves de Sassenage, de trouver une voiture pour monter aux lacs de Laffrey, ou de payer pour pouvoir accéder au lac aseptisé du Bois Français.