En couple depuis quatre ans avec X, Sylvie vivait chez lui à Échirolles depuis deux ans. Elle payait pour cela un loyer et avait signé un vrai contrat de location. L’automne dernier, les relations se tendent, notamment sous la pression des enfants de X, qui ne supportent plus la présence de Sylvie auprès de leur père. Un jour, quand elle rentre chez elle, elle retrouve sa chambre vide et ses affaires entassées dans une toute petite pièce. « Ils ont commencé à me mettre la pression pour que je parte. Je leur ai dit que j’allais le faire mais que j’avais besoin de quinze jours pour me retourner et trouver un nouveau logement, mais qu’ils ne pouvaient pas me virer comme ça parce que j’avais un bail. Comme ils étaient très menaçants, je suis quand même allée poser une main courante au commissariat. SOS médecin m’a prescrit un arrêt de travail sur le champ constatant mon état de stress intense face aux menaces. »
Deux jours plus tard, la police nationale débarque dans l’appartement, appelée par son ex-compagnon. Sylvie leur montre un exemplaire du contrat de location, non signé. Devant leur refus de le prendre en compte, elle leur explique en avoir un, dûment signé, dans sa voiture actuellement chez le garagiste. Sylvie est obligée de se rendre chez le garagiste accompagnée par quatre policiers qui constatent la validité du bail et Sylvie est autorisée à regagner son logement. Mais quand elle revient, les serrures ont été changées et elle ne peut pas rentrer chez elle : « J’ai rappelé la police qui a constaté le refus du conjoint et des enfants de me laisser entrer. Mais ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire pour moi maintenant et m’ont laissée dehors. »
Le soir même, mise à la porte de chez elle, elle va dormir dans le garage où se trouve sa voiture car elle dispose toujours de la clef. « Le matin, la police municipale est arrivée et m’a ordonné de monter dans l’appartement en me traînant pieds nus sur huit étages. Une fois à l’intérieur, ils m’ont menottée et m’ont pris mes clefs et le contrat de location. Ils m’ont ensuite ordonné de sortir et là je me suis débattue mais j’étais menottée donc je n’ai pas été violente. Et ils m’ont embarquée sans que je sache pourquoi car je n’avais rien fait à part vouloir rester chez moi ! »
Résultat : 24 heures de garde-à-vue pour Sylvie, sans qu’on lui donne le motif de l’interpellation. Mais ça ne s’arrête pas là. L’automne prochain elle est convoquée au tribunal pour « rébellion et violences contre des personnes dépositaires de l’autorité publique ». Elle même a eu trois jours d’ITT (interruption temporaire de travail) suite aux violences subies par la police ce jour-là et elle est très angoissée depuis, n’arrivant pas à se remettre du traumatisme subi. Alors qu’elle a été de fait expulsée de son logement sans décision de justice, elle a bien essayé de porter plainte, contre son ex et ses enfants et contre la police nationale et municipale, mais sa plainte a été classée sans suite. Aujourd’hui Sylvie a retrouvé un appart, mais a perdu plein de choses dans cet épisode, des affaires personnelles volées suite aux interventions policières, son boulot (son ex avait écrit à son employeur pour la diffamer) mais surtout sa confiance dans la justice : « J’ai interpellé le maire d’Échirolles [NDR : communiste], qui m’a écrit que ma version diffère totalement de celle de la police et qu’il ne peut rien pour moi… Ce que je n’admets pas, c’est que le Procureur classe ma plainte sans même enquêter . »
L’histoire de Sylvie n’est sans doute pas unique, mais elle a encore assez de confiance en elle pour la médiatiser. En finissant cet article on se dit que d’autres moins bien loties, moins diplômées, n’auraient rien dit par peur de passer pour parano.