Accueil > Hiver 2021 / N°59

L’hôpital au secours des vélos électriques

Deux médecins haut placés du Chuga (centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes) utilisent leur aura de soignant pour faire la pub’ du vélo électrique. Incroyable coïncidence : le fils de l’un d’eux dirige EbikeLabs, start-up qui vend un système électronique pour vélos électriques.

Le Monde ( 6/01/2020) nous apprend que « l’équipe du professeur Jean-Luc Bosson, chercheur et médecin de santé publique au CHU de Grenoble, accompagne des personnes malades pour leur mettre, ou remettre, le pied à l’étrier grâce au VAE (Vélo à assistance électrique). L’étude Oncovélis, réalisée avec une quinzaine de patientes, qu’il a coordonnée et qui est en cours de publication, porte sur la réhabilitation physique. Selon ce spécialiste, le VAE permet d’adapter le niveau de chaque personne, sans décourager les plus faibles, qui, ainsi, ne se sentent pas stigmatisés. (…) Jean-Luc Bosson réfute l’argumentaire disant que ces personnes “n’ont qu’à faire du vélo” car selon lui, le VAE est aussi une activité physique. » C’est beau de voir ce grand médecin, « chef de pôle santé publique » du Chuga, militer ardemment pour le VAE, qui doit faire face à l’ingratitude de ces simples cyclistes qui pensent qu’il n’y a pas besoin de batteries, de métaux rares et de nucléaire pour se déplacer et faire une « activité physique ». C’est d’autant plus beau quand on sait que le fils de Jean-Luc Bosson, Maël Bosson, a monté et dirige Ebikelabs, start-up qui avait fait parler d’elle en 2017 pour des « soupçons de trafic d’influence ». Un de ses cofondateurs Raphael Marguet, élu grenoblois vert et rouge, avait tenté de convaincre ses collègues métropolitains de choisir sa boîte pour une expérimentation de vélo à assistance électrique (Le Postillon n°40).

Depuis la boîte a déménagé dans les locaux de STMicro et « repositionné son activité » afin de devenir « un acteur IOT [NDLR : Internet des objets] incontournable du vélo en France et en Europe  ». Après avoir développé le « premier contrôleur connecté du marché  », Ebikelabs essaie de vendre trois nouvelles « solutions  » : un «  antivol  » qui « permet de localiser le vélo électrique et d’en bloquer le moteur à distance », un « dispositif qui permet aux gestionnaires de flotte non seulement de prédire les opérations de maintenance mais aussi de les réaliser à distance sans intervention humaine » et « un nouveau service qui permet au vélo d’adapter automatiquement l’effort aux contraintes physiologiques du cycliste ». Ce dernier dispositif s’adresse aux « acteurs de la santé  », ceux qui pourraient être convaincus par l’argumentaire de Bosson père – qui n’a pas souhaité nous répondre sur ce conflit d’intérêts. Vu le nombre de « personnes malades » à qui « remettre le pied à l’étrier  », le marché pourrait être colossal.
D’autant que Bosson père n’est pas le seul soignant à mouiller sa blouse. Un de ses collègues et amis, Pierre Albadalejo, chef de pôle adjoint du service anesthésie réanimation, a fait une vidéo de promotion d’Ebikelabs le 24/04/2017 [1] dans laquelle il explique, blouse blanche estampillée Chuga et stéthoscope en évidence : « Le vrai problème du vélo électrique c’est qu’il n’y a pas de personnalisation possible entre la personne qui fait du vélo et les performances du vélo électrique. Et Ebikelabs propose un contrôleur qui va permettre d’adapter l’effort que veut faire la personne aux performances du vélo électrique. Donc sur le plan médical, le prescripteur pourrait proposer des programmes grâce au contrôleur Ebikelabs. (…) C’est un patient connecté, qui doit faire de l’activité physique avec des outils qui personnalisent justement cette activité physique.  » Suite à cette pub bénévole, on propose à Ebikelabs de faire un don au Chuga. Ou aux futurs malades qui auront la malchance d’habiter à côté des mines de métaux rares nécessaires au fonctionnement des VAE.

Notes

[1Vidéo visible à cette adresse : https://www.youtube.com/watch?v=yn4Uu1QOVZU