« Vous êtes des terroristes libertaires ! C’est vous qui faites des incendies à Grenoble ! » Bonne ambiance au marché de Voiron. Vu que notre précédent numéro titrait sur le maire de cette ville, Julien Polat, on est allé le vendre à la criée sur le marché de la ville le samedi 22 février. Quelques minutes nous ont suffi pour nous rendre compte à quel point la ville était polarisée (c’est le cas de le dire) par le jeune maire depuis 2014. D’un côté, ses opposants qui nous disaient « super votre article, je l’ai déjà », « ah moi j’en veux un », « ça dit pas toute la vérité mais c’est bien, faut faire une suite »… De l’autre, les partisans de Polat qui nous regardaient d’un air sombre en nous disant des joyeusetés comme celle citée au début ou : « voici un exemple de ce qu’il faudrait interdire », « vous avez pas autre chose à faire que faire ces saloperies », « tout est faux dans ce torchon ».
Au bout d’une grosse demi-heure, un monsieur arrive, bien énervé : « C’est quoi cette publicité ? Je suis le responsable du marché, alors maintenant vous partez, je veux plus vous voir passer dans l’allée. » Et de se mettre à pousser l’un de nous et une personne avec qui on discutait. Voilà plus de dix ans qu’on vend Le Postillon à la criée sur les marchés grenoblois et on n’avait jamais été confronté à un tel comportement. Si on s’était fait virer sur des marchés à Echirolles ou Pont‑de‑Claix il y a neuf ans, c’était de manière beaucoup moins violente.
Mais Julien Polat ne supporte visiblement pas la critique. Dans notre dernier article, on évoquait un jeune homme interpellant le maire de Voiron lors de l’inauguration de son local de campagne, afin de « réclamer justice » à propos d’une « agression raciste » contre de jeunes Maghrébins survenue l’année passée devant la mairie. Mi-février, ce jeune homme a été convoqué au commissariat de Voiron pour « menaces de mort » : « J’avais déjà reçu la convocation à mon domicile, mais les policiers sont venus aussi me l’apporter à mon boulot pour me foutre la honte. » Le pire l’attendait : au commissariat, il a eu droit à 24 heures de garde-à-vue. Tout ça pour des supposées « menaces de mort » que le journaliste du Postillon présent sur place n’a jamais entendu. Si le jeune homme a été un peu véhément, il n’a jamais été agressif. D’ailleurs, lors de l’inauguration mentionnée plus haut, le directeur de cabinet du maire est venu discuter de manière très courtoise avec le jeune homme en question et ses amis. Ce dernier précise : « Six adjoints ou conseillers présents ce soir-là ont fait des faux témoignages contre moi. » Faut dire que la police locale et la mairie entretiennent quelques liens : Armelle Le Bourdonnec, la femme du chef de la police nationale de Voiron Yann Le Bourdonnec, a été élue sur la liste de Julien Polat aux dernières municipales. À l’issue de la garde-à-vue, le jeune homme a, en tout cas, été convoqué au tribunal pour « menaces de mort » le 27 mai prochain (date sûrement repoussée à cause de la situation sanitaire).
Et nous alors ? Vu que Polat et ses amis ne nous avaient pas laissé diffuser notre journal sur le marché, on a décidé de faire connaître à un maximum d’habitants notre reportage sur Voiron. En temps normal, on vend une quarantaine d’exemplaires dans cette bourgade de 20 000 habitants, qu’on n’évoque que très rarement dans nos colonnes. Deux semaines après la sortie du numéro 54, qui titrait donc sur Polat, nos trois lieux de vente voironnais en avaient vendu près de 200. Pas mal, mais restaient quand même des milliers d’habitants à qui faire connaître notre journal. Alors, on a tiré un quatre pages « extrait gratuit », avec l’article sur Polat, que des abonnés ont distribué par centaines d’exemplaires dans les boîtes aux lettres de Voiron. Cette diffusion a visiblement agacé Julien Polat qui s’est mis également à distribuer un texte dans les boîtes aux lettres pour démonter notre article et ses « allégations calomnieuses » : « Voiron est traînée dans la boue par le portrait épouvantable qui en est dressé. (…) Cela me touche profondément. J’ai donc saisi la justice en portant plainte pour diffamation. » S’il répète son intention de porter plainte dans une vidéo Facebook et dans un article du Daubé, nous n’avons encore reçu aucune citation à comparaître.
Libération non plus, pour l’instant. Le 12 mars, le quotidien sortait un long article révélant les « relations douteuses » de Chokri Badreddine, un adjoint de Polat : « Un agent municipal fait l’objet d’une enquête pour détournement d’argent public et blanchiment, et deux animateurs sont soupçonnés d’être impliqués dans un trafic de drogue. » Des faits étayés par une enquête poussée qui a aussi visiblement agacé Polat. Dans un mail que nous avons pu consulter, il répondait aux questions de la journaliste : « Je suis profondément choqué par la brutalité de vos questions (…) Il est proprement hallucinant qu’un journal quotidien d’information, pourtant à la respectabilité reconnue, puisse s’autoriser à nous injurier en nous confrontant à de telles questions. »
Malgré les éléments accablants révélés, le bébé-Carignon ne se sent plus pisser depuis qu’il a été réélu au premier tour des municipales avec une abstention monstrueuse (61,51%) : s’il a obtenu 56,60 % des voix, seulement 21,82 % des électeurs ont en fait voté pour lui. Mais là-dessus au moins, peu de chance qu’il intente un recours en justice.