Accueil > Février / Mars 2013 / N°19

La start-up qui se fout de la modernité

Cela s’appelle un bug. Coup sur coup, deux des plus grands promoteurs grenoblois de l’Innovation et du Progrès viennent d’émettre des propos critiquant certains aspects de la vie numérique. En juin, Geneviève Fioraso, ancienne cumularde locale et néo-ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, invitée sur France Inter, se lamentait : «  Je pense que certains d’entre nous sont devenus des robots. J’ai fait le premier conseil du Cnesser où on rencontre toutes les organisations syndicales et bien tout le monde tweetait pendant que je parlais, il y a eu trois dépêches AFP le temps de mon allocution et je vous assure que je n’avais pas l’impression d’avoir des gens avec des yeux qui me regardaient pendant ce conseil ». Quelques mois plus tard, Jean Therme, directeur du CEA livre ses grands desseins pour l’humanité dans Le Nouvel Observateur (13/12/2012) : « Je veux institutionnaliser une société de relations humaines où l’on se rencontre plutôt que de s’envoyer des mails, où l’on se retrouve, à la façon des agoras grecques, pour recréer de l’échange dans un espace où les regards se croisent ». Rappelons que ces deux lascars ont sans cesse vanté les mérites de toutes les innovations - notamment pondues dans la cuvette grenobloise - poussant les gens à passer de plus en plus de temps derrière leurs écrans, à « tweeter », à «  s’envoyer des mails  », bref à « devenir des robots ». Alors que pour eux le développement de la vie virtuelle n’a jamais posé de problèmes, notamment parce qu’il «  crée des emplois  » - argument d’autorité coupant court à tout débat - voilà qu’ils tentent par ces sorties de se donner une image « humaniste ». Après l’hôpital qui se fout de la charité, voilà la start-up qui se fout de la modernité.