Accueil > Printemps 2024 / N°72

Le meilleur des affaires

Pour le concours des affaires politico-judiciaires dans le département, on remarque ces derniers temps une légère remontée du camp de la gauche, avec notamment la condamnation du maire de Grenoble Éric Piolle pour favoritisme ou la garde-à-vue du président de la Métropole Chrsitophe Ferrari pour son utilisation abusive de sa voiture de fonction (en attendant un probable futur procès). Néanmoins, c’est toujours la droite qui mène largement cette compétition, et pas seulement grâce au leadership flamboyant d’Alain Carignon, qui reste à ce jour l’homme politique français encore vivant ayant fait le plus de prison (29 mois). Ses jeunes poulains ne sont pas en reste et rivalisent d’imagination pour obtenir des condamnations originales. Citons quelques unes des plus belles performances actuelles.

Fabien Mulik  : Voilà notre affaire préférée. Une infraction à la fois très simple à faire, et complètement débile. Fabien Mulik était jusqu’à peu maire de Corps et vice-président du département de droite (en plus d’être compagnon de la présidente de la communauté de communes de la Matheysine et ex-chef de cabinet du socialiste Ferrari, Coraline Saurat – comme le monde isérois est petit). Une belle carrière, mais sans cette petite ligne judiciaire sur la fiche Wikipedia qui permet d’entrer dans la cour des grands politiciens. Alors en juin 2021, à l’occasion des élections départementales et régionales, Fabien Mulik vote dans son village… mais plutôt trois fois qu’une ! Altruiste le bonhomme : il a voté pour «  deux amis qui ne s’étaient pas déplacés » et qui assurément auraient «  voté pour lui ». Et écolo avec ça : imaginez les frais d’essence économisés ! Le plus cocasse, c’est que l’affaire n’est pas sortie tout de suite, malgré l’aveu de Fabien Mulik aux conseillers municipaux qui l’avaient vu faire. Il faudra attendre l’été dernier et le courage d’une conseillère municipale pour que la justice soit alertée… Condamné en janvier dernier à un an de sursis, 6 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, Fabien Mulik a fait appel – même s’il a reconnu une « monumentale connerie » – pour ne pas « abandonner  » la commune et les dossiers en cours. Quel dévouement !

Nicolas Pinel : On est dans du plus «  classique  » pour l’ancien conseiller municipal grenoblois et directeur de campagne de Carignon. Une condamnation pour « escroquerie et faux » exercés lors de son ancien poste de directeur Île de France et Outre-mer du Centre national d’action sociale. Si on peut noter la belle performance du détournement de 624 000 euros, on déplore une forte impression de déjà-vu (notamment dans les affaires Carignon) dans ce genre d’infraction, qui est quand même atténuée par le panache avec lequel Nicolas Pinel a retardé sa démission inévitable. Condamné en janvier 2022 à trois ans de prison dont deux ferme, cinq ans d’inéligibilité et au remboursement des 624 000 euros, il avait annoncé faire appel avant de finalement se désister le matin même de l’audience en décembre 2023. Deux ans de gagnés c’est toujours ça de pris.

Chérif Boutafa : Ici aussi, il y a de l’inattendu, même si le fond de l’affaire du conseiller municipal carignoniste (et ex-délégué Force Ouvrière à la ville de Grenoble !) est nettement plus tragique que pour Fabien Mulik. Initialement inculpé pour «  traite d’êtres humains » avec une quinzaine d’autres prévenus impliqués dans un réseau d’immigration clandestine exploitant des sans-papiers vietnamiens dans des restaurants de la région, l’élu a été condamné en décembre 2021 à deux ans de prison (dont un avec sursis) et 20 000 euros d’amende pour « aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’un étranger en France, en bande organisée ». Avouons que pour un homme politique de droite, c’est une condamnation tout à fait originale (voire unique ?). Mais Chérif Boutafa a fait appel et jusqu’en juillet prochain il est donc toujours présumé innocent...