Il y a quelque chose à mettre au crédit de la bande à Piolle : depuis un an et demi, on s’emmerde un peu moins à Grenoble. Avant, sous l’ère Destot, les rares débats publics étaient généralement plats, sans esclandres ni coups d’éclats. Non que sa politique suscitât un grand enthousiasme - les résultats des dernières élections l’ont montré - mais parce qu’elle provoquait généralement ennui et désintérêt. L’arrivée de Piolle a réveillé quelques ardeurs – et les mêmes qui pouvaient sans broncher laisser faire Destot sur tel point, montent maintenant au créneau pour démonter Piolle quand il fait la même chose. Cette curiosité s’explique par une multitude de facteurs : pour les uns la haine viscérale envers un pouvoir écolo-gauchiste, pour d’autres la déception après avoir mis beaucoup d’espoir dans ce pouvoir, pour tous l’arrogance mal placée de certains élus, l’autoritarisme municipal « co-construit », ou le flou malsain régnant sur certains projets. Piolle et ses sbires se font ainsi régulièrement descendre dans des réunions de quartier, par des syndicalistes ou même dans la rue. Dernier lynchage en date : le troisième Chantier des cultures organisé le 15 septembre dernier à la Belle électrique. Après avoir tenté vainement de monopoliser la parole, les élus se sont pris une volée de bois vert de la part de plusieurs cultureux. Et on a pu voir que le piollisme possède un côté miraculeux : il parvient à réunir contre lui des personnes que tout oppose. D’un côté les patriarches Alain Manac’h ou Jean Caune – soutenant pourtant officiellement Piolle pendant la dernière campagne municipale – ont longuement critiqué le manque de soutien de la nouvelle municipalité à « l’éducation populaire » et l’impossibilité « d’une mise en débat ». De l’autre les théâtreux, membres de Synavi (syndicat national des arts vivants), ont lu une longue lettre, citant avec gravité Victor Hugo, pour hurler à la « censure par le populaire » et à l’affreux « populisme » de la municipalité (comme si la volonté de se soucier des intérêts du peuple était condamnable). Mais les deux camps ont applaudi les interventions de l’autre – tous ensemble, tous ensemble ouais ouais contre Piolle. La soirée eut tout du théâtre - entre ennui, engueulades, tumultes, et pleurs -, un théâtre de piètre qualité certes, mais toujours plus intéressant que les feuilletons spongieux de l’ère Destot. Croisée à la sortie, Julie nous livre son analyse : « C’est sûr que les élus n’ont pas été bons. Mais au moins, dans ce genre de soirées, on discute avec les gens qui sont autour de nous, et j’ai l’impression que plein de gens se mettent à parler politique. Avant on ne parlait jamais de ces choses-là, toutes ces questions évoquées n’étaient pas sur la place publique ». Cette « politisation » et ces débats houleux n’étaient pas au programme de Piolle, qui préférerait gouverner dans le consensus mou et dans la « bienveillance » générale : n’empêche que c’est effectivement un point positif à noter pour les bilans réguliers de Piolle que dressent la presse locale et nationale. Voilà, c’était la brève (presque) positive du Postillon.
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