Accueil > Oct. / Nov. 2014 / N°27

Les carnets intimes de nos élus

Les politologues le répètent : une des grandes causes du désamour entre le peuple et les politiciens, c’est que ces derniers ne sont pas assez « proches des gens ». Pour remédier à ce défaut de proximité, Le Postillon offre à ses lecteurs des extraits du carnet intime de personnalités politiques locales. Après avoir ouvert dans nos précédents numéros les carnets des sous-ministres Geneviève F. ou André V., on révèle dans ce numéro les contenus des écrits persos des militants de l’UMP de l’Isère et des élus du « rassemblement des citoyens de la gauche et des écologistes » de Grenoble (tous les faits et les citations sont exacts).

Le blog des élus verts & rouges de Grenoble

Mai : Bon. Comme dans tout programme électoral, on s’était un peu emballé. Dans l’engagement 19, on avait promis : « Les jetons de présence et indemnités de présidence et vice-présidence d’organisme para-municipaux seront supprimés ». On a tenu parole sur les jetons de présence, par contre pas trop sur les indemnités de présidence. à part Piolle pour Actis, tous les autres présidents des structures du groupe ville (GEG, Grenoble Habitat, Alpexpo, Sages-Innovia...) continuent à palper une indemnité de 500 euros pour leur travail harassant. Dans le même engagement, on annonçait que « pour permettre aux élus d’assurer pleinement leur mandat, le cumul des mandats sera strictement limité, en excluant notamment le cumul entre deux exécutifs ». Hum. Comment vous dire ? Corinne Bernard et Élisa Martin, adjointes à Grenoble et conseillères municipales à La Métro, siègent toujours au conseil régional, touchant ainsi plus de 5800 euros de rémunération brute. Pierre Mériaux et Olivier Bertrand sont conseillers municipaux délégués : le premier est également au conseil régional, le second au conseil général et à la Métro. Maryvonne Boileau, elle, est présidente de Grenoble Habitat et toujours au conseil régional. Mais tous ces élus sont tellement géniaux que bon c’est pas comme les autres méchants, quoi. #OnLaDitOnLeFaitPas

11 juin : Ça y est, cette fois c’est officiel et c’est passé presque inaperçu. Faut dire aussi qu’on s’était mis dans un sacré merdier. Éric, avec son humour si subtil, avait balancé, pendant la campagne et au lendemain du second tour : « Les caméras de vidéosurveillance, on les démonte et on va essayer de les revendre à Estrosi ». Son communicant Erwan Lecœur l’avait confirmé à un journaliste du Postillon : « on va gérer le retrait de certaines caméras de vidéosurveillance, ce sera une première en France. Désolé ». - Le Postillon : « Si ça se fait... » - Lecoeur : « C’est pas ‘‘si ça se fait’’, on va le faire. » S’en sont suivis deux mois compliqués, où Éric a dû sans cesse louvoyer, affirmer qu’il n’était pas « opposé aux caméras dans les transports en commun ni à celles destinées à protéger les bâtiments publics », juste aux cinquante-deux de la municipalité, et encore pas trop, il faut étudier l’efficacité, le coût, etc. Et puis finalement, non. Éric affirme aujourd’hui dans le supplément de L’Express que « le dispositif existant ne sera pas supprimé ». #OnLaDitOnLeFaitPas

16 juin : La communication, c’est pas facile. Vincent Fristot, le nouveau président de GEG (Gaz électricité de Grenoble) a eu une petite maladresse dans une interview au Dauphiné Libéré en affirmant que « des suppressions de postes à GEG seront inévitables ». On avait pourtant promis (engagement 23) : « les suppressions d’emplois à GEG seront annulées ». Une belle bourde. Heureusement nos amis de l’Ades se sont chargés de rattraper le coup en faisant croire que Fristot avait annulé le plan de performance décidé par Jérôme Safar. Ça a énervé ces ringards de la CGT de GEG, qui ont rué dans les brancards dans une « lettre ouverte à l’Ades » : « Quelle belle leçon de communication que votre article ‘‘à GEG, les emplois sont sauvegardés’’. Le titre en lui-même est déjà insidieux, mais le contenu est encore plus fallacieux : le plan de performance à GEG n’a aucunement été stoppé par Vincent Fristot ! Les suppressions d’emplois non plus ! » Mais qu’est-ce-qu’ils croient, eux ? Faut bien qu’on essaye de faire croire qu’on tient nos promesses, non ? #OnLaDitOnLeFaitPas

Juin
 : Grâce à l’écolo Maryvonne Boileau, le sénateur Jacques Chiron, numéro 3 de la majorité sortante, a été nommé censeur au sein du conseil d’administration du bailleur social Grenoble Habitat. Nous, on est ouvert d’esprit : Chiron, ancien président de Grenoble Habitat, a toujours défendu le choix de BNP-Paribas dans la construction des onze tours du quai de la Graille, dite du Clos des fleurs (sic !). Ça ne vous rappelle rien ? C’est ce projet qui avait permis à éric de dénoncer pendant la campagne « une ville sous l’emprise de la spéculation immobilière » et de renommer une des rues limitrophes « rue BNP-Paribas ». Choisir de bosser avec Chiron, l’ami de la promotion immobilière privée, ça prouve bien qu’on n’est pas sectaires ! #OnLaPasDitOnLeFait

21 juillet : Aujourd’hui, c’est le dernier conseil municipal avant l’été. Un beau marathon pendant lequel on valide la vente par la SEM Innovia (dans laquelle on est actionnaire majoritaire) de deux terrains de la ZAC Presqu’ile au Crédit Agricole, petite banque nécessiteuse, pour la modique somme de 200 €/m2. Tout ça pour construire 10 à 12 000 m2 de bureaux et un parking d’environ 400 places pour ses employés (là on monte le prix à 230 € HT/m2) – la promotion des « modes doux » ça va bien, mais bon faut quand même bien construire des parkings pour les banquiers. Forcément on est un peu gêné (Yann Mongaburu, le président du SMTC, a d’ailleurs eu une soudaine envie d’aller aux toilettes au moment du vote) parce que ce prix est ridiculement bas : quand la ville préempte un terrain pour un organisme HLM, elle force le propriétaire à lui vendre au prix de 200 €/m2 à construire. Le Crédit Agricole est-il le nouvel organisme HLM de la Ville de Grenoble ? Il paraît que c’est une blague que les cadres de la section immobilière de BNP-Paribas (voir quelques lignes au-dessus) se racontent autour de la machine à café (si, on vous jure, c’est vrai). En tous cas, ça prouve encore qu’on n’est pas sectaire et prêt à aider toutes les bonnes volontés ! #OnLaPasDitOnLeFait

4 août : Il y a un petit merdeux qui commence à nous énerver. Il a créé un faux compte Twitter @EricPiolle2014 et ne fait qu’embêter notre maire en faisant des blagues pourries, comme celle d’aujourd’hui : « Et on vous rappelle que les tee shirts ‘‘I LOVE ÉRIC PIOLLE’’ sont disponibles au marché Saint-Bruno moyennant 20 euros en cash, CB ou tamien ». C’est scandaleux, sur Twitter on ne doit pas faire des blagues mais relayer toutes les bonnes actions de notre bon maire. Heureusement le conseiller au maire le rappelle à l’ordre et le menace de faire des « démarches » s’il ne change pas le nom de son compte. #OnTwitteNousOnRigolePas

3 septembre : C’est la rentrée des classes ! Bon c’est vrai qu’on avait promis (engagement 38) que « sans attendre, le téléphone portable sera interdit à l’école primaire ». En fait on va attendre un peu, surtout que les portables, c’est quand même bien pratique pour tweeter les visites des élus dans les écoles ! #OnLaDitOnLeFaitPas

Le blog des militants de l’UMP de l’isère

6 juillet : Bingo ! Europe 1 vient de reprendre sur son site internet notre « scoop » : Eric Piolle est actionnaire d’une société qui travaille dans les paradis fiscaux. Bon, c’est vrai, Le Postillon avait sorti l’info il y a six semaines mais en politique, toutes les méthodes sont bonnes pour faire parler de soi : c’est notre grand maître à tous Alain Carignon qui nous l’a appris. En tous cas, l’info qui fait le tour des sites nationaux ne parle que de notre supposée « enquête » : on reprend la tête de l’opposition à l’écolo-actionnaire Éric Piolle.

9 juillet : Qu’est-ce qu’on se marre quand même ! La polémique continue et tous les gauchistes de la municipalité défendent gentiment leur chef alors que sa société brasse avec tous les requins de la finance et a son siège social à Singapour. Quel comble quand même ! Comme ils laissent la place vacante, on s’engouffre dedans, et nous, qui sommes libéraux, jouons les saintes-nitouches de la finance, à la limite de l’antimondialisation ! Quelle blague ! Tout ça alors que notre militant Adrien Fodil est gérant de sa petite entreprise familiale Courtex international, une entreprise qui fait de l’import-export de produits-chimiques avec la Chine ! Ce n’est pas pour rien si c’est le seul d’entre nous à être parvenu à comprendre quelque chose dans tous les montages financiers complexes et internationaux de Raise Partner.

15 juillet : Aujourd’hui, c’est la grande conférence de presse. On est douze à être présents, on a invité tous les médias pour faire le point sur la-grande-affaire-Eric-Piolle-qu’on-a-révélé : c’est le grand jour ! Mais les médias sont tous à la botte de la gauche-bobo-écolo car seulement deux journalistes répondent à notre invitation : la journaliste du Dauphiné Ève Moulinier - qui, comme d’habitude, arrive avec un quart d’heure de retard - et, je vous le donne en mille, un journaliste du Postillon - qui lui arrive à l’heure. À notre grand étonnement, pour quelqu’un « d’extrême-gauche » comme on écrit sur notre site, il n’a pas les cheveux longs et gras et ne sent même pas le fromage de chèvre. Pour l’occasion, on a fait venir notre « grande conscience » à nous, Pierre Gascon, ancien premier adjoint d’Alain Carignon, qui annonce qu’il a saisi la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique) ! Tremble Raymond Avrillier : nous aussi on va se mettre à faire des recours !4 août : Le site Atlantico, qui est à la droite ce que L’Humanité est au parti communiste, va encore plus loin que nous. Il affirme que « la situation d’Eric Piolle devient délicate » et même qu’il « pourrait être obligé de jeter l’éponge » ! La victoire est proche les amis !

18 août : On enchaîne ! Après avoir joué aux antimondialistes, on se transforme en militants opprimés par le pouvoir. Dans un article sur notre blog intitulé « des atteintes graves à la liberté », on dénonce des « attaques informatiques d’une violence inouïe ». En cause : des petits cons de hackers qui s’amusent à introduire des liens vers des sites porno dans des textes de notre site. Au passage, on dénonce tout et n’importe quoi, comme la disparition d’une vidéo sur le site de Grenews, alors que c’est le site de Grenews tout entier qui a disparu... Il faut bien trouver des éléments pour noircir le tableau. En tout cas, cette « violence inouïe » n’est même pas couverte par les médias à la botte du pouvoir écolo-bobo-gaucho : ils en font des tartines sur l’Irak ou l’Ukraine mais ne s’occupent même pas des pouvoirs totalitaires qui s’exercent en France ! Après l’affaire Eric Piolle, encore un grand scandale !