Accueil > Octobre 2016 / N°37

Pour une réserve naturelle de crétins des Alpes

Cela fait plus de quinze ans que certains veulent créer un parc naturel régional dans le massif de Belledonne. Une envie compréhensible : le Vercors, la Chartreuse, les Bauges ont leur parc. Belledonne, pourtant bien plus élevé en altitude, n’est qu’un vulgaire « massif » : ça la fout mal sur les documents touristiques. Alors les promoteurs de ce projet de parc envoient régulièrement des communiqués de presse, font du lobbying à la région, organisent des réunions, mais se heurtent à un problème lui aussi « massif » : tout le monde s’en fout.

Pas grand monde n’est vraiment contre, presque personne n’est vraiment pour : ce machin technocratique n’a visiblement d’intérêt que pour quelques élus et salariés de l’« Espace Belledonne ».

à quoi un parc naturel régional pourrait-il bien servir dans Belledonne ? Pas à protéger la nature : pour les élus, il ne faut surtout pas qu’un parc gêne les stations de ski et notamment le projet d’agrandissement de Chamrousse. Il ne sert à rien non plus d’unifier ce territoire qui regroupe des quotidiens très différents : qu’est-ce qu’un paysan mauriennais de Saint-Colomban-les-Villards a en commun avec un ingénieur grenoblois habitant à Saint-Martin-d’Uriage ?

Alors, comment créer un engouement populaire autour de ce projet ? Qu’est-ce qui pourrait bien faire rêver dans les chaumières et générer des articles dans la presse nationale ?
Le Postillon propose aux promoteurs du parc de Belledonne de créer la première réserve naturelle mondiale de crétins des Alpes. Parce que nous sommes pour la biodiversité, nous proposons de promouvoir cette espèce humaine officiellement disparue depuis le début du XXème siècle. Et pourtant... Nos équipes ont cru pouvoir détecter nombre de traces de crétinerie dans les alentours de Grenoble. Tenez par exemple : le maire de Chamrousse. Pour défendre le projet d’agrandissement de la station sur le massif des Vans, la mairie a utilisé un argumentaire complètement stupide. à les entendre, pour mieux protéger la biodiversité, il faut aménager toute la montagne ! « Selon la mairie, le domaine skiable serait mieux organisé et géré car les protections et règlements y ont pourvu. ‘‘En revanche, le domaine montagnard non skiable fait l’objet d’occupations encore non organisées, susceptibles d’abus contraires à la bonne gestion de la biodiversité’’, affirme la municipalité ». (Place Gre’net, 28/01/2016).

Selon toute vraisemblance, nous sommes ici en présence d’un véritable cas de crétinerie. On pourrait donc proposer au maire de Chamrousse, Philippe Cordon, d’être l’ambassadeur de cette réserve naturelle et de choisir une zone non urbanisée du massif de Belledonne dans laquelle habiter sauvagement. Il pourrait ensuite être rejoint par nombre de personnalités locales : parmi les premiers habitants de cette réserve, pourquoi ne pas imaginer la présence de Michel Destot, l’ancien maire de Grenoble qui manigance pour le TGV Lyon-Turin en affirmant que ce projet insensé est bon pour l’environnement ? Ou du patron du Médef-Isère Pierre Streiff, qui se vante d’être « très écolo » parce qu’il roule en voiture électrique ? Ou de Claus Habfast, le vice-président de la Métro en charge de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui veut « travailler à rendre la montagne plus verte, plus écologique » tout en développant la « montagne augmentée » ? Il ne devrait pas manquer de personnalités pour remplir cette réserve, qui pourrait assez rapidement afficher complet. D’autant plus qu’on peut facilement imaginer l’attrait qu’exercera cette première mondiale auprès des ultra-traileurs : ils devraient certainement se sentir comme des poissons dans l’eau auprès de tous ces spécimens. Plutôt que de traverser Belledonne le plus rapidement possible comme ils le font actuellement, ils pourraient enfin prendre le temps de s’arrêter et communiquer avec des personnes au niveau intellectuel similaire.

Selon les historiens, le crétinisme avait pour origine une carence en iode. Dans les régions montagneuses éloignées de la mer, les habitants ne mangeaient pas assez de sel, ce qui favorisait la formation d’un goître (augmentation de la glande thyroïde) et « l’arrêt du développement physique et mental ». Dans la zone sauvage habitée par toutes les personnalités crétines, il faudra donc prohiber tout usage du sel, même pour les pique-niques, et même pour le déneigement. Si une telle expérience aboutit, on imagine aisément le nombre d’articles dans la presse internationale et les retombées économiques ! Les touristes du monde entier pourront venir se balader dans ces paysages magnifiques et tenter de prendre en photo un de ces spécimens ! Les habitants de Belledonne auront enfin une raison d’être fiers de leur massif ! 

Pour le brevetage du brouillard de Belledonne
Dans le cadre de ce projet de développement du massif de Belledonne, Le Postillon propose également de breveter le Brouillard de Belledonne en déposant la marque B&B®© (prononcer : bi ainde bi). Ce massif est quand même exceptionnel : il peut faire beau partout en France, sauf dans Belledonne où le brouillard reste souvent bien plus longtemps qu’ailleurs après les jours de pluie. Avec un peu de persévérance, il y a sûrement moyen de faire une appellation d’origine contrôlée. Ce brevetage pourra être l’occasion d’inventer nombre de façons de désigner le brouillard. Les esquimaux ont des dizaines de mots pour parler de la neige, en fonction de sa blancheur. Les habitants de Belledonne pourraient avoir des dizaines de façons de désigner le brouillard : le brouillard laiteux, le brouillard augmenté, le brouillard ardent, le brouillard opalin, le brouillard sépulcrale, le brouillard intelligent, le brouillard brouillé, le brouillard apaisé, le brouillard convivial et solidaire, le brouillard décomplexé, le brouillard à énergie positive, le brouillard frénétique.