Après l’énorme taux d’abstention [1], c’est le fait marquant des élections européennes à Grenoble : le gymnase qui abritait le bureau de vote de la Villeneuve a pris feu dimanche soir, à la fin du dépouillement. Comme il est d’usage, il se dit que "l’origine est probablement criminelle". Les responsables politiques - mairie et préfecture - sont donc montés au créneau dans les médias pour dénoncer un "acte inqualifiable".
Pourtant il semble que ce sinistre ait pour véritable cause les actes de ces autorités.
Les jours précédents l’incendie, les UTEQ (Unité Territoriales de Quartier), sorte de réincarnation de la police de proximité, ont fait leur apparition à la Villeneuve. Ces unités réclamées corps et âme par le Parti Socialiste et défendues par le sociologue grenoblois spécialiste es sécurité Sébastian Roché (voir Le Postillon n° 0) ont - de par leur fameuse "proximité" - surtout réussi à énerver les "jeunes" et faire monter la tension. Mises en place pour rassurer la frange la plus réactionnaire de l’électorat, elles sont une nouvelle preuve que la police ne pourra jamais résoudre des problèmes sociaux mais uniquement les aggraver. Suite à la présence des UTEQ, les feux de voiture ou de poubelles se sont multipliés.
Selon plusieurs témoins, l’incendie semble avoir été provoqué par les agissements du socialiste Jérôme Safar, qui présidait le bureau de vote. La tête remplie par ses multiples fonctions (premier adjoint au maire de Grenoble en charge de la sécurité et des finances, conseiller régional, président de GEG...) Safar n’a pas vraiment le temps de se pencher sur la réalité de la vie dans les quartiers. Aussi quand quelques jeunes provoquent un peu les quelques personnes allant voter - en faisant les kékés sur des motos ou scooters -, il n’hésite pas à appeler la police pour régler ce "trouble à l’ordre public". Mais ses appels restent vains car la police refuse d’intervenir dans cette situation banale et pas vraiment grave. Safar, furieux, utilise toute la longueur de son bras pour réclamer une intervention policière en appelant directement le préfet. Celui-ci accepte et envoie une équipe de karchérisateurs (BAC, CRS,...) afin de satisfaire le sieur Safar. La tension monte alors d’un cran, un scooter crame et plusieurs interpellations ont lieu dans un climat plus que tendu comme en rend compte ce témoignage : "Ayant vu le déploiement de chez moi, je descends poubelle à la main et, au moment de la jeter... je me fais braquer par un flash ball. J’ai cru que c’était l’ultime tentative de la Métro pour faire respecter le tri sélectif. En fait, non : six flics de la susdite brigade, chauds patate, sautent sur un mec, le plaquent, lui font une clef de bras musclée, braillent. On m’explique qu’il les a insultés. Des gens disent aux keufs de se calmer, que de toutes façon, le gars ne bronche plus. Quelqu’un parle de Sarkozy, une autre demande si c’est pour fêter les résultats de élections. « Toi ferme ta grande gueule » qu’ils lui répondent" (publié sur www.grenoble.indymedia.org). La suite était donc prévisible, le désir de vengeance ayant certainement conduit certains à incendier le gymnase.
Tout cet enchaînement n’est guère surprenant. Certains militants socialistes de la Villeneuve ont été irrités par le comportement de Safar, similaire à celui du premier des sarkozystes. Mais quand on sait que ce Safar vise un poste de conseiller général sur ce canton et qu’il doit penser tous les matins, maintenant qu’il a coupé sa barbe, à la succession de Destot en 2014, on ne s’étonne plus...