Accueil > Décembre 2016 / N°38

Une autoroute à vélo fait-elle plus peur qu’une pluie d’obus ?

Sur le marché de l’Estacade, le dimanche 30 octobre : une femme pas toute jeune commence à discuter avec moi. « Ah Le Postillon.... c’est intéressant ce que vous faites. Parce que là avec Piolle, c’est n’importe quoi, catastrophique. Non, mais vous avez vu : pas un jour sans un fait-divers, et puis les bouchons, alors ils veulent faire des autoroutes à vélo, mais ça va faire qu’empirer la situation... ». Bon je vous passe les détails de son argumentaire. C’est en gros la ligne éditoriale du site internet carignoniste « Grenoble le changement » : depuis « Piolle Pot », c’est la faillite de Grenoble, tout tombe en ruine et on va bientôt vivre dans une ville du tiers-monde en risquant de se faire assassiner à chaque coin de rue. Le genre d’argumentaire subtil, qui – quelle performance ! – donnerait presque envie de défendre la municipalité grenobloise. La femme du marché continue : «  j’ai un ami qui veut quitter la ville. Moi ça fait trente ans que je suis là, et c’est vrai que mon fils hésite de plus en plus à partir à cause de ce Piolle.  » Moi, je la contredis pas, je la relance pas, d’ailleurs elle n’en a pas besoin, elle débite en roue libre. Après les bouchons, les tags, les patrons qui râlent et puis forcément les étrangers. «  Maintenant ils vont mettre des migrants dans des immeubles, en fait ils veulent seulement aider les étrangers, mais pour les Grenoblois ils ne font rien  ». Cette affirmation me donne envie de tenter une petite question : « Mais ces migrants fuient pour la plupart des guerres atroces. À leur place, vous seriez restée sous les bombes au lieu d’essayer de sauver votre vie ? » La dame est un peu embêtée, balbutie : « ben oui il faut rester dans son pays, résister, si tout le monde vient en France, ça va créer la guerre civile ». Et puis, comme je l’ai coupée dans son élan anti-piolliste et que deux autres personnes veulent m’acheter le journal, elle s’éloigne. Des discussions plus ou moins comme ça, j’en ai déjà eu plusieurs et c’est toujours étonnant : les mêmes personnes qui disent vouloir quitter la France à cause des impôts, ou Grenoble à cause de la politique de Piolle, pestent contre des réfugiés qui fuient des pluies d’obus, des armes bactériologiques, des maisons piégées et des bombes sur les routes. Faut dire qu’à côté d’une autoroute à vélo et des coups de communication écolo-gauchistes, c’est quand même pas grand chose.