Accueil > Février / Mars 2015 / N°29

Une pollution certaine, mais mystérieuse

Depuis cet été, plusieurs centaines de personnes vivent dans un bidonville au sud de Grenoble sur les terrains dits « Allibert ». Cela fait plusieurs semaines que des riverains alertent les autorités sur des risques de contamination à cause de l’amiante. À côté du bidonville, il y a l’ancienne usine Allibert que les habitants du bidonville visitent souvent, notamment pour récupérer certains matériaux. Selon des riverains, ces activités libéreraient beaucoup de poussières chargées d’amiante, mettant en danger la santé des habitants du bidonville et des riverains. Ce risque est-il réel ou fantasmé ? Le Postillon a tenté d’en savoir plus sur l’histoire de ce bâtiment, l’occasion de se rendre compte une nouvelle fois de l’opacité autour des dangers industriels.

Joseph Allibert (l’un des pères fondateurs de l’industrie grenobloise), débute son activité de fabrication de semelles intérieures dans sa ville natale, Monestier de Clermont. Suite au développement international de son entreprise de plastique moulé et injecté, dans les années 1950, il s’installe au sud de Grenoble, sur le site, communément appelé encore aujourd’hui Allibert.
Pendant quarante-cinq ans, l’usine se spécialise dans la fabrication d’objets en plastique en tout genre. En juin 1995, elle se « réorganise », ferme son site de Grenoble, et déménage la production de mobilier de salle de bain à Voreppe, et celle de meubles de jardin à La Mure.
En 1997, le bâtiment devient la propriété de Castorama, qui met en location les locaux à diverses entreprises, magasins, et artisans.
En 2004, suite à la décision de cessation d’activité du site par le propriétaire, l’Inspection des installations classées demande de fournir une évaluation simplifiée des risques (ESR). Les résultats montrent une pollution certaine des sols et des eaux souterraines, avec la présence d’hydrocarbures, de plomb, BTEX, TCE, chrome et cadmium (depuis 2011, l’Union européenne a interdit son utilisation dans la production de plastique, en la classant comme toxique et écotoxique).

En août 2005, « un arrêté préfectoral a été signé … imposant à l’exploitant la réalisation de ces travaux de mise en sécurité et la mise en place d’investigations supplémentaires sur le site » (fiche BASOL, Ministère de l’écologie et du développement durable et de l’énergie). Une deuxième ESR est effectuée, en 2006, à la demande du nouveau propriétaire : La Foncière du Dauphiné [1]. Cette fois-ci le site doit être mis en sécurité avec une interdiction d’y entrer. Et depuis, nous savons seulement que la Ville de Grenoble rachète ce site pour y transférer ces services techniques, encore à ce jour dans des bâtiments loués.

La DREAL [2] me confirme que c’est un vieux dossier, que ça ne fait pas loin de dix ans que la fiche n’a pas été ressortie. Personne ne leur a communiqué de nouvelles informations à propos de ce site, les nouveaux propriétaires ne se sont même pas signalés. Apparemment, selon le bureau d’études qui a procédé aux deux ESR, le site aurait été en partie dépollué, pourtant rien, non plus, n’a été signalé à la DREAL.

La question d’actualité concernant l’amiante reste un mystère puisque la DREAL n’effectue pas ce genre d’analyse, et que l’Inspection du travail (seul organisme ayant pu faire une analyse d’amiante pendant l’activité du site) ne peut révéler au public cette information, classée confidentielle. Suite à la mobilisation des riverains, la Ville de Grenoble a annoncé la démolition du bâtiment au conseil municipal de janvier 2015. Pour l’instant la DREAL n’a eu aucune information des projets envisagés pour ce site.

Ce site n’est malheureusement qu’un exemple parmi tant d’autres en France. Les industries s’installent, ferment et déménagent, mais leurs retombées toxiques restent. On pense toujours au progrès et à l’emploi, mais on oublie la pollution qu’ils engendrent.

Notes

[1Grosse société immobilière grenobloise, dont le propriétaire M. Remaux est aussi le président de la société immobilière Pierre et Nature, habitué au rachat de terrains, et de friches polluées (a aussi racheté Minitubes à Saint -Martin-d’hères) pour y bâtir de juteux projets immobiliers ensuite.

[2Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, service déconcentré du Ministère de l’écologie.