Vendredi, fin après midi. La barre d’immeubles de l’Arlequin toise les enfants à la sortie de l’école du Lac. Louise, la trentaine, sort tout juste de son boulot et attend son fils. Un grillage ceinture l’école depuis la rentrée. Signe d’un temps révolu du quartier utopique de la Villeneuve, où les écoles étaient ouvertes et proposaient un enseignement expérimental. « Ce n’est pas du tout pour « l’utopie des années 70 du quartier » que je me suis installée ici, d’ailleurs j’en avais jamais entendu parlé. J’habitais Fontaine et j’ai dû vendre l’appart dans lequel j’étais. J’ai cherché à Grenoble mais tout était trop cher. Et puis j’ai trouvé ici à Villeneuve. C’est d’abord parce que c’était moins cher et puis quand j’ai découvert le parc qui se cachait derrière la galerie de l’arlequin, je me suis dit que ça serait idéal pour une fille comme moi, seule avec un enfant. » Lydie, ivoirienne, la main serrée dans celle de son fils alpague Louise « je passe tout à l’heure chez toi, ok ? » Elle non plus ne connaissait pas le projet initial du quartier : « Ici, on est comme une famille. On se parle facilement. C’est clair que c’est une cité. Y a des jeunes qui crachent partout, qui font peur à nos gamins avec leurs motos mais ça reste un petit paradis la Villeneuve ! On a tout à côté, pas besoin de voiture ! »
Sur la place du marché, tentatives de discussions impromptues avec des habitants de la Villeneuve : « Alors, que reste-t-il de l’utopie des années 1970 ? » demande-t-on naïvement. « Quelle utopie ? », « De quoi ? », « qu’est-ce tu m’embrouilles ? », « ... », « tu veux dire les motos ? », nous répondent-ils. Comme une impression de s’être trompés d’adresse. Ou d’être autant à côté de la plaque que le premier journaliste de TF1 venu.
Et pourtant, on ne rêve pas. La Villeneuve cristallisa beaucoup d’espoirs au moment de sa réalisation, à tel point qu’on parla « d’utopie ». L’espoir de changer la vie en changeant la ville. Le Nouvel Observateur titre le 15 mai 1972 : « L’anti-Sarcelles : comment à la Villeneuve un groupe d’animateurs et d’urbanistes, la bande à Verlhac, a osé construire la ville où l’imagination aura enfin le pouvoir. » Un espoir allant jusqu’à susciter une curiosité et un engouement national : « Tout ce que la France a d’urbanistes, d’architectes, de sociologues, de pédagogues, d’élus, de journalistes en quête de renouvellement est venu voir la Villeneuve. Au début des années 70, elle fut le Mont-Saint-Michel de tous ceux qui aspirent à « changer la vie. » [1] Alors que s’est-il passé entre 1972 et 2009 ? Qu’est-il arrivé pour que le mot utopie, rattaché au projet de quartier au début des années 1970, suscite, quarante ans plus tard, incompréhension au cœur même de ce quartier ?
« Transformer les rapports humains »
Au commencement étaient d’un côté un grand terrain vierge, ancien aérodrome de Grenoble, et de l’autre une équipe municipale cherchant à apporter une réponse à la crise du logement des années 1960 avec une volonté d’innovation sociale. La majorité municipale regroupe des membres de la SFIO (futur P.S.), du P.S.U. et du Groupe d’Action Municipale (GAM) fondé par Hubert Dubedout, élu maire de Grenoble en 1965. Autour de Jean Verlhac, adjoint à l’urbanisme, se monte un projet ambitieux surfant sur le « changer la vie » en vogue à la fin des années 1960. La commission de travail se dote d’une charte qui débute ainsi : « Le projet Villeneuve se caractérise par une volonté de transformer les rapports humains dans la cité. » Est donc mise en œuvre une série d’innovations sur l’architecture, la mixité, l’éducation et les initiatives autogestionnaires. Les voitures sont laissées à l’extérieur du quartier. Sous les immeubles serpente une rue couverte et piétonne afin de faciliter les rencontres. Les couloirs menant aux appartements sont des coursives communiquant entre plusieurs montées. Des passerelles piétonnes permettent de se rendre d’un côté au centre commercial, et de l’autre au Cargo, l’ancienne Maison de la Culture. Les locataires et les propriétaires cohabitent dans les mêmes montées et se partagent le quartier. Des logements pour handicapés, des résidences pour personnes âgées, un foyer pour jeunes en difficulté sont mis en place. Une Maison de quartier regroupe le collège, la bibliothèque, des salles de réunion, des ateliers et un restaurant libre-service. Une télévision de quartier et une maison médicale sont lancées. Beaucoup d’efforts sont concentrés sur les écoles, « recouvrant l’enjeu le plus important. » [2] Elles entendent mettre en œuvre une pédagogie différente, non autoritaire, expérimentale et s’intègrent à l’immense parc situé au milieu du quartier. « Pas mal de gens modifièrent leur vie en choisissant de venir à la Villeneuve. C’est un cadre de direction d’une entreprise de la région parisienne qui abandonne sa situation pour venir ici.(...) C’est un non-violent qui se sépare de Lanza del Vasto, des chèvres et des moutons, pour venir établir à la Villeneuve une petite communauté de l’Arche, ou bien un prêtre qui renonce au sacerdoce paroissial pour prendre un magasin, et qui s’établit comme marchand de journaux. » [3] L’Arlequin est peuplé à ses débuts de près de 50% de ménages de cadres moyens et supérieurs.
Premières désillusions
Dès les premières années, la réalité se révèle moins attrayante que l’utopie dépeinte à travers plaquettes et articles de presse. La télévision de quartier capote vite. Des cadres, volontaires au départ, le fuient. En 1979, soit 7 ans après l’arrivée des premiers habitants, « certains vivent encore à la Villeneuve, mais beaucoup n’ont pas pu tenir et sont partis. C’est qu’il n’est pas habituel, pour un cadre de vivre dans un grand ensemble, (...) c’est très bien sur le papier, c’est généreux, c’est très chrétien de gauche, mais c’est difficile à supporter jour après jour. » [4]
Ceux qui restent s’échinent à faire vivre la Villeneuve. Malgré les échecs, l’absence d’engouement de beaucoup d’habitants, ils soufflent sur les braises de l’utopie à travers les écoles, les initiatives associatives, les fêtes. Geneviève, ancienne institutrice, est arrivée dans le quartier à la fin des années 1970. Elle se souvient : « Dès qu’il y avait un événement marquant, il y avait une vie militante, les gens se réunissaient, essayaient de réagir. »
Willy, la quarantaine, a grandi et habite toujours dans le quartier. Il garde un souvenir heureux de ses années d’enfance : « On a l’habitude de dire qu’on laissait nos portes ouvertes. Quand j’étais à l’école, on se mélangeait beaucoup, on passait notre temps chez les autres. Sur le lac, on faisait du patin à glace l’hiver et on passait nos journées dans l’eau l’été. On allait jouer dans les galeries des égouts, dans les gaines. On faisait beaucoup de patin à roulettes et de skate dans toute la galerie. »
En 1983, Alain Carignon accède à la mairie et tourne la page des années Dubedout et des concepteurs de la Villeneuve. La droite, qui avait beaucoup critiqué la Villeneuve dans l’opposition, change la politique d’attribution des logements, ce qui provoque l’installation quasi-exclusive de personnes les plus en difficulté. Dans le livre Villeneuve de Grenoble, la trentaine, des témoignages estiment que ce tournant est une des causes de l’échec de la Villeneuve, car il aurait remis en cause la mixité sociale. Une explication à relativiser - car les cadres, comme on l’a vu, avaient déjà commencé à fuir la Villeneuve avant l’arrivée de Carignon -, et qui n’est pas partagée par tout le monde : « Étrangement, la mixité est vraiment arrivée sous Carignon, parce que plus d’immigrés sont venus habiter ou - disons - ont commencé à être parqués ici », nous explique Willy.
Il n’y a sans doute pas de véritable tournant ou de moment décisif dans l’évolution de la Villeneuve. La droite n’a pas coulé « l’utopie », pas plus que la gauche ne l’a sauvée. D’ailleurs, cette utopie a-t-elle un seul jour existé ?
Expérimentation versus administration
André nous accueille autour d’un café. De sa fenêtre, on aperçoit l’école des Charmes, aujourd’hui fermée, dont il a longtemps été le directeur. Au loin, des barres d’immeubles et la chaîne de Belledonne. Il fait partie des « pionniers », puisqu’il a migré en 1973 à Grenoble pour vivre à la Villeneuve. Pour lui, si le quartier était différent, il le devait beaucoup au fonctionnement de ses écoles. Un système alternatif qui a disparu : « C’est la puissance de normalisation des administrations qui a peu à peu anéanti les expérimentations d’éducation alternative. Il y a eu une très forte volonté administrative de faire cesser ce fonctionnement qui dérangeait. Par exemple, on a innové en organisant le fonctionnement des écoles en trois cycles. A un moment on regroupait les grandes sections, les CP et le CE1, pour qu’ils travaillent ensemble, ainsi les grands aidaient les petits à organiser des goûters collectifs... Mais l’administration ne supportait pas ça, elle était furieuse de voir comment cela se passait. Elle s’est opposée à des départs de classes regroupant plusieurs niveaux de cycle 2 au prétexte que les enfants étaient sous la responsabilité de deux directeurs différents maternelle et élémentaire. »
André regrette que les élus actuels n’aient pas soutenu les rares initiatives un peu novatrices. « La Mairie n’a pas soutenu jusqu’au bout l’initiative des « classes lecture » où des enfants de toute l’agglo venaient participer à des ateliers lecture à la Villeneuve. Toutes les années, avec le comité des fêtes, on organisait une grande chorale des enfants le samedi matin pour la fête du quartier. Mais depuis un an, les enfants ne vont plus à l’école le samedi matin. Donc ça n’a pas été fait cette année alors qu’il aurait fallu forcer l’administration à accepter des propositions exceptionnelles d’aménagement du temps scolaire. Trois semaines plus tard, la Mairie a pourtant réussi à faire venir des enseignants et des enfants un samedi matin pour faire la publicité du Projet éducatif grenoblois », une initiative portée par la municipalité...
Willy déplore également l’évolution récente des écoles du quartier : « Progressivement toutes les écoles ont été normalisées. Avant, tout tournait autour des écoles : enfants, parents, assos, ... Ainsi, par exemple, l’école du Lac était La Maison du Lac (ce panneau au fronton de l’école a été enlevé l’an passé) : tout le monde y était le bienvenu. On s’intéressait à l’enfant et non à l’élève uniquement. Pas besoin de Base-élèves, les enseignants connaissaient les parents, prenaient du temps avec eux ... ils logeaient même dans le quartier. Le divorce entre enseignants et parents a été consommé l’an passé à l’école du Lac lorsque la nouvelle équipe pédagogique s’est opposée aux parents mobilisés autour des familles sans-papiers de l’école ... mobilisation (unique dans le quartier) lancée par l’équipe pédagogique précédente. L’argument de ces nouveaux arrivants ? Ils considéraient qu’on ne devait pas critiquer d’autres agents de l’Etat ! »
Est-il possible de faire vivre des expériences alternatives en s’intégrant au cadre institutionnel et étatique ? L’histoire des écoles de la Villeneuve est marquée par cette question. Au vu de la situation actuelle, on serait tenté de répondre non. Les écoles, devenues classiques et souffrant d’une réputation d’échec scolaire, sont maintenant fuies par la plupart des habitants du quartier. Preuve de cette désertion : les Charmes, les Bouleaux, la Rampe, les Frênes ont fermé. Il reste encore les Buttes, la Fontaine, les Trembles, les Genêts et le Lac mais l’une d’elles risque de disparaître sous peu. « Maintenant la vie dans les écoles et le collège est assez dure et il n’y a quasiment plus rien de différent, déplore André. De quartier expérimental on est passé à des Zones d’Education Prioritaire et maintenant au « Réseau Ambition Réussite » qui conçoit l’enseignement avec un classique abominable, à l’encontre de ce qui se faisait dans les années 1970. »
Une banale cité ?
Le quartier est aujourd’hui stigmatisé comme une « cité ». Dans l’imaginaire de beaucoup de personnes, Villeneuve va de pair avec « agressions », « faits divers », « insécurité » ... Nombre d’habitants de l’agglomération de Grenoble n’y ont jamais mis les pieds, et on dissuade généralement les primo-arrivants d’aller s’y promener « parce que ça craint ». Geneviève s’insurge : « Il y a beaucoup de clichés négatifs autour de La Villeneuve. Notre quartier est particulièrement épié. Dès qu’il y a un petit problème, il est monté en épingle et « valorisé » par le côté Villeneuve ». Ahmed, habitant de la galerie, confirme : « Aujourd’hui, une adresse à la Villeneuve sur un CV, ça fait un point en moins. »
Cette réputation est loin de refléter la réalité. On peut bien évidemment se promener tranquillement à la Villeneuve sans risquer de se faire dévaliser au moindre recoin de galerie. Des jeunes « tiennent les murs », roulent à fond en scooter dans la galerie, branchent des fois des jeunes filles, mais pour Geneviève, le quartier n’en est pas devenu invivable pour autant : « Il y en a qui n’arrêtent pas de dire que la violence, les agressions augmentent. Je refuse d’entrer dans ce genre de choses. Moi je suis une femme seule et je n’ai jamais subi de réelles agressions. Et je ne crois pas qu’il y en ait plus qu’ailleurs. » Une réflexion partagée par Louise : « En trois ans j’ai jamais eu aucun souci, même en traversant le parc à trois heures du matin. Parfois je me fais traiter de « pétasse » par certains jeunes, mais je gueule et leur réponds et j’ai le sentiment qu’ils m’écoutent. (...) J’ai tout de suite été super attachée à la Villeneuve même si au début j’arrivais à me paumer dans les dédales de l’Arlequin. Aujourd’hui je défends mon quartier face aux idées reçues des gens qui n’y habitent pas ».
Il ne s’agit pas de nier quelques réalités : trafics de drogue, dégradations, incendies de voitures... Mais comment évoquer « l’économie parallèle » et « les incivilités » sans dénoncer la difficulté de beaucoup à trouver une place dans la société ? Cette réalité n’est pas spécifique à la Villeneuve. Elle n’en plombe pas moins l’utopie initiale du projet.
Aujourd’hui, plus personne ne laisse sa porte ouverte. Les associations, toujours massivement présentes, sont moins actives qu’auparavant. Suite à la rénovation du Cargo, la passerelle menant à la maison de la culture a disparu. Il est interdit de se baigner dans le lac - ce qui n’empêche pas nombre de gamins de le faire - et il est impossible de skater sous la galerie « depuis qu’ils ont pavé ».
Ceci dit, il semble plutôt plaisant de vivre à Villeneuve, comme le souligne Louise : « Dès le début je me suis senti super bien accueillie. Ici tu sors et tu ressens un esprit de voisinage bien plus développé qu’ailleurs. Dans l’allée où j’habite des covoiturages sont organisés, parfois je garde les mômes des voisins, d’autres fois ce sont eux qui s’occupent du mien » Le tram est à proximité, tout comme les commerces. Les habitants rencontrés ne tombent pas dans la surenchère sécuritaire et le repli sur soi. « Le quartier garde encore un certain côté qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, selon André. Des gens s’organisent. Le "vivre ensemble" est toujours une bataille, mais cette bataille est toujours menée. »
Mais si la vie est plutôt agréable, il n’y a rien qui sorte de l’ordinaire. Les rapports humains ne sont pas « transformés » mais juste un peu moins froids que dans d’autres quartiers. Par contre, comme ailleurs, ils sont surtout conditionnés par le règne de l’argent, dont le symbole local est le très proche centre commercial de Grand Place.
« La réalisation de Carrefour et de Grand Place a été un des premiers échecs de La Villeneuve », nous assure André. En effet, comment peut-on vouloir « transformer les rapports humains » dans un quartier en installant à proximité un temple de la consommation, avec comme élément-phare Carrefour ? A l’époque, les élus avaient tenté de minimiser cette contradiction en installant une fresque anti-consommation sur les murs du centre commercial. Cette fresque présentait des variations autour du « radeau de la méduse » et était une allégorie des dérives de la société de la consommation. Trente ans plus tard, la fresque a disparu, trop abimée et jamais entretenue. Elle a laissé la place à d’hideux panneaux brillants. La société de consommation, elle, se porte bien, merci.
Cette proximité a largement influencé le développement de la Villeneuve, qui n’a jamais compté beaucoup de commerces. Aujourd’hui, pour 12 000 habitants, on dénombre deux tabacs-presse, une boulangerie, une alimentation, deux restaurants, un bar, quelques boutiques de vêtements et deux marchés. Ce qui ne suffit pas à rendre le quartier très vivant. Le samedi matin, la place du marché est un peu animée, mais cela reste, avec les fêtes sur le quartier, les exceptions qui confirment la règle : pour « se retrouver » et passer un moment de détente, les jeunes et moins jeunes vont à Grand Place plutôt que de rester dans le quartier.
La fin de l’utopie ?
La Villeneuve s’inscrit dans une évolution générale de la société : un centre commercial plutôt que des bars ou des petits commerces. L’utopie n’est plus à la mode dans les années 2000. Si elle a échoué dans les années 1970, aujourd’hui elle est tout simplement absente des imaginaires et de la politique. Le projet de rénovation de la Villeneuve, actuellement encore à l’étude, en est un bon exemple. Ses objectifs ne sont plus de « transformer les rapports humains » ou plus simplement d’améliorer le bien-être mais « le repositionnement de ce parc de logements dans le marché immobilier grenoblois à échéance de 15 à 20 ans ». [5] Il prévoit pour l’instant la destruction de certains des parking-silos, la séparation de montées d’ascenseur, la destruction de certains logements ou le changement de mode de collecte des déchets. « Ils veulent répondre par des trucs qui se voient, assure Willy. ça se voit pas des éducs ou des anims ; alors que le bâti ça se voit, et les fleurs aussi. Alors ils entretiennent très bien les espaces verts. Bon c’est sûr que ça joue, mais ça remplace pas l’humain et le travail social. »
Ce projet est une remise en cause des fondements du quartier. La rue en bas des immeubles n’est plus perçue comme un « espace de convivialité » mais comme un problème compliqué à gérer. « Ils veulent faire plein de trucs pour faciliter le travail des flics, explique Ahmed, pour l’instant avec tous les couloirs, les recoins, les jeunes peuvent se planquer ou se barrer facilement. »
Autre part du projet, la diminution de la part de logements sociaux. Les autorités croient que le retour de davantage de mixité sociale réglera les problèmes de la Villeneuve. Une vision qui irrite André : « C’est infamant de dire, comme le font les élus, que ce quartier aura moins de difficultés quand il y aura plus de propriétaires, plus de classes moyennes. Ça sous entend que quand il y a majoritairement des personnes de milieux modestes, il y a forcément des problèmes. »
Bertrand, habitant de la galerie, pense que « ce n’est pas impossible que dans un futur proche, avec le parc, le tram pas loin, la Villeneuve se boboïse et devienne un quartier un peu prisé. »
Mais son « repositionnement dans le marché immobilier » signifiera avant tout la mort définitive d’une utopie qui n’a jamais réellement existée, mais dont l’ombre planait – et plane encore un peu – sur la vie du quartier. Un héritage qui visiblement est trop complexe à gérer pour la municipalité Destot. « Le PS est maintenant dans la mise en conformité et plus du tout dans le soutien à des initiatives différentes, affirme André. L’architecte, Yves Lion, dit « il faut arrêter de singulariser ce quartier. » En fait il veut le normaliser. »
La Villeuneuve ?
La nomination « La Villeneuve » regroupe des réalités très différentes. Deux quartiers : l’un sur la commune d’Echirolles, l’autre sur Grenoble. Ce dernier, regroupant 12 000 habitants, est constitué d’espaces bien différents, avec les grandes barres de l’Arlequin, les plus petits immeubles des Baladins et de la place des Géants, ou le quartier d’Helbronner.
Ce papier se concentre sur la Villeneuve de Grenoble. Avec un nombre limité de rencontres et de lectures, cet article n’a pas la prétention d’être exhaustif. La Villeneuve mériterait un nouveau livre.
De l’utopie sociale à l’utopie écologiste ?
Il n’y a plus de traces d’utopie sociale dans les projets immobiliers actuels de la Ville de Grenoble (Caserne de Bonne, Bouchayer-Viallet) ou futurs (la Presqu’île, l’Esplanade...). La mairie ambitionne avant tout de « répondre à la crise du logement ». Une crise du logement dans l’agglomération qui s’entretient d’ailleurs depuis 40 ans par la politique d’attractivité des élus, sans que les grands projets de construction n’y fassent rien. Si les élus parlent d’utopie, c’est à propos du caractère supposé « écologiste » de ces projets. La bande à Destot surfe ainsi sur le réchauffement climatique comme celle à Dubedout avait surfé sur Mai 68. Rendez-vous dans 40 ans afin d’analyser la véracité de ces ambitions.