Il n’y a pas que les précaires et bas salaires qui peuvent être touchés par un droit du travail trop favorable aux patrons. Julie (c’est un pseudo) a travaillé dans la multinationale Hewlett-Packard (HP) pendant quinze ans et demi. Elle était même « manager ressource » et chef de projet. À partir de 2013, sa situation se dégrade : « Mes objectifs changeaient sans arrêt et étaient contradictoires, j’étais dénigrée et subissais un management incohérent. » Après un congé maladie, elle reprend son travail en septembre en mi-temps thérapeutique. La situation ne s’améliorant pas, elle se met à dénoncer, nommer, de bonne foi, une situation qu’elle qualifie de harcèlement, devant les conditions malsaines et non fonctionnelles qu’elle affronte au quotidien. Pour toute réponse, elle est licenciée le 26 novembre 2013, soi-disant pour « insuffisance professionnelle », alors que deux mois avant, le PDG d’HP France Karsenti l’avait assurée de « l’importance de son profil pour HP ». « En fait, j’ai subi un licenciement illicite pour avoir dénoncé les faits de harcèlement que je subissais », affirme Julie. Mais son calvaire ne fait que commencer. Affectée et toujours en arrêt maladie, elle ne parvient pas à être indemnisée par la CPAM et à bénéficier de la prévoyance à laquelle elle a droit. Ni même d’avoir une feuille de Pôle Emploi qui ne masque pas la situation d’arrêt maladie. En fait, HP a occulté les faits de maladie et de mi-temps thérapeutique, pour masquer le licenciement abusif et construire une autre réalité devant les prud’hommes. Encore plus fort : un courrier de l’assurance maladie de mai 2014 lui apprend que selon HP, elle a soi-disant repris le travail depuis le 4 décembre 2013 – alors qu’elle n’était pas au courant, et que bien entendu, elle ne touche aucun salaire ni indemnités. Devant les atermoiements de la CPAM et d’HP, elle saisit la Cada (Commission d’accès aux documents administratifs) qui lui fournit une « attestation de salaire » de la part d’HP assurant de sa fausse date de reprise de travail... Pour dénoncer ces « magouilles » qui l’empêchent de toucher les indemnités et de disposer de ses droits de façon loyale, elle multiplie les courriers à son ancien employeur, à la CPAM, à l’inspection du travail, et même au ministre du travail. Peine perdue... Deux ans après, rien n’est régularisé. Précarisée, elle gère les contraintes de sa survie. Cette distorsion du droit de la part d’HP continue de produire auprès des tribunaux des dégâts connexes et pénalise Julie dans ses droits à réparation. « Avec ces moyens, ils me tuent économiquement et socialement ». Sinon, selon le Medef et les promoteurs de la loi El-Khomri, il paraît que le plus gros problème de la France, c’est que les patrons ne peuvent pas licencier...
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