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Comment Grenoble devient une Smart City - épisode 3

Atos et les compteurs communicants

Afin de favoriser la sobriété, la métropole lance une nouvelle application ! Et le pire c’est qu’elle est développée par la multinationale Atos, qui a simplement « pris l’engagement  » de ne pas utiliser les données collectées. Et on est prié de les croire.

«  Les logements Actis sur la commune de Grenoble vont accueillir prochainement des nouveaux compteurs communicants.  » C’est Relief, le magazine du bailleur social Actis, de décembre 2020 qui nous apprend cette information. Depuis les compteurs se déploient à Teisseire, en attendant les autres quartiers. On le sait : si Grenoble a tardé à avoir des compteurs communicants, ce n’est nullement à cause d’une opposition politique de la part des élus. En 2016, tous les élus métropolitains (verts et rouges compris) avaient voté un vœu en faveur de l’installation du compteur Linky, répétant les balivernes assurant que ces gadgets énergivores étaient nécessaires pour économiser de l’énergie. Si ça a un peu traîné à Grenoble, c’est simplement parce que GEG, la régie locale d’éléctricité, voulait prendre le temps de déployer ses « propres » compteurs. À part le nom – ils ne s’appellent pas Linky – rien ne change et ces compteurs communicants pour le gaz et l’électricité servent avant tout les desseins de la «  smart-city  », où un maximum de données doivent être collectées. Selon sa communication, GEG s’intéresse « aux nouveaux marchés que cette meilleure articulation entre compteur et client peut ouvrir. » [1] C’est-à-dire que ces nouveaux compteurs permettront avant tout de faire du business.

Oui mais au profit de qui ? La métropole a lancé récemment, dans le cadre de sa démarche de « sobriété environnementale  », une nouvelle application baptisée Métroénergies – pour ces gens-là, le smartphone est indispensable aux démarches de sobriété. C’est la « direction de la transition énergétique » de la Métropole qui lance ce gadget en assurant que cette « application, connectée aux compteurs intelligents permettra de faire des économies d’énergie individuellement dans chacun de vos logements ». On savait déjà qu’il fallait jeter des compteurs et en installer des nouveaux «  intelligents » pour «  faire des économies  » – en fait il faut aussi une application. Décidément la sobriété est bien énergivore.

Le principe de cette application est de rentrer toutes ces données de consommation d’énergie (électricité, eau, gaz ou même bois) afin de les comparer à des niveaux de consommation par rapport à des logements équivalents puis de « disposer de conseils et astuces de l’Alec » (agence locale de l’énergie et du climat). Les « conseils et astuces  » pour économiser de l’énergie sont pourtant assez largement connus : isoler son logement au mieux, ne pas prendre trois bains par jour, et surtout éteindre au maximum tous les écrans, notamment les smartphones énergivores. Alors pourquoi faut-il rentrer ses données pour avoir des conseils ?

Parmi les multiples « partenaires  » de cette application, on trouve la multinationale Atos, une des principales bénéficiaires du déploiement du compteur Linky, vu qu’elle a conçu et réalisé les phases de test du compteur intelligent. Pour l’application Métroénergies, il semble qu’elle soit maître du système informatique. Quand on s’inscrit, on reçoit un mail de confirmation signé noreply@atos.net. Les « crédits usagers  » du site nous indiquent qu’Atos a développé et héberge ce site. La Métropole confirme et à la question de la garantie de la non-utilisation des données à des fins commerciales, elle répond : « Outre le fait que la maille horaire n’est pas utilisée pour présenter les données, le consentement de l’utilisateur est demandé s’agissant de la remontée de données venant de son compteur communicant vers l’application Métroénergies. Ces données sont ensuite stockées sur des serveurs d’Atos qui a pris l’engagement vis-à-vis des utilisateurs de ne pas faire usage de celles-ci. Toutes les dispositions sont et ont été prises pour être en conformité avec la RGPD (réglementation générale de protection des données).  » On ne sait pas quelle est la nature de l’engagement pris par Atos et quels sont les moyens de contrôle pour savoir si cet «  engagement » n’est pas bafoué. Vu que la multinationale a la maîtrise du système informatique, elle fait bien ce qu’elle veut, mais rien ne nous assure que sur l’exploitation potentielle de ces données, elle économise son énergie.

Notes

[1«  Les entreprises locales de distribution à Grenoble et Metz. Des outils de gouvernement énergétique urbain partiellement appropriés », thèse, Pauline Gabillet, 2015, cité par Grenoble Anti-Linky.