En comparution immédiate, le 23 janvier 2023. Monsieur M. est accusé de harcèlement sur son ex-compagne. Dialogue entre l’accusé et la juge.
– J’avais ingurgité beaucoup de cachets. Je suis allé ce soir-là acheter des cigarettes. Le bureau de tabac était fermé. J’ai continué. Il n’y avait de place nulle part pour se garer.
– M. M., votre soirée en détail, les cigarettes, tout ça, ne nous intéresse pas. Contestez-vous les faits ?
– Je conteste. Elle s’est garée, j’me suis garé, personne n’est sorti. J’ai attendu. Personne ne sortait, j’ai regardé dans la voiture, il y avait deux femmes que je connaissais pas, et elle. Et j’ouvre…
– Pourquoi vous faites ça ? Il y a une interdiction de contact.
– Quand elle s’est arrêté, que j’tentais de lui prendre son téléphone, elle voulait pas. Après elle a dit : j’vais appeler les flics.
– Vous avez un don, monsieur M. c’est celui de ne pas répondre à mes questions. Vous reconnaissez les menaces ?
– Bah j’l’ai insultée de tous les noms, ça c’est sûr.
– Vous ne l’insultez pas, la conductrice ?
– Ah, bah non, que madame. [...] Je pense que je suis un gros imbécile de continuer à la voir et à lui rendre des service et à me faire chier à la gueule.
– Vous pouvez toujours parler correctement, Monsieur.
Il s’assoit.
– Vous êtes fatigué Monsieur M. ?
– Oui madame, j’fais une grève de la faim. Depuis 4-5 jours j’ai pas mangé.
Procureur : Je peux confirmer.
Monsieur M. marmonne.
– Monsieur M., vous prenez la parole quand on vous la donne.
– Je chuchote tout seul.
– Chuchotez encore plus doucement.
En comparution immédiate, le 1er février 2023, un couple est accusé de multiples vols. Dialogue entre les accusés et la juge.
– Comment expliquez-vous ça ?
– Le manque d’argent, Madame, et puis tout ce qui va avec.
– Vous aviez beaucoup de revenus sur cette période-là.
– Oui.
– C’est peut-être plus l’appât de l’argent ?
– Je ne choisis pas, Madame.
– Vous faites ça plus facilement avec les personnes âgées. Pourquoi vous y allez à deux ?
– Je suis tout le temps avec ma femme.
– Est ce que y aller à deux c’est pas plus simple pour distraire ?
– Oui.
– Madame, vous avez été élevée par votre grand-mère. Qu’est ce que vous pensez de vous en prendre aux personnes âgées ?
– C’est honteux.
– La spécificité de ce dossier c’est que Madame X dit que les fils de son téléphone avaient été sectionnés.
– Non ! Ça non. Ça, jamais ! J’ai jamais coupé le téléphone de cette dame, j’ai jamais caché son téléphone. C’est une personne âgée, elle aurait eu besoin de son téléphone, je lui aurais laissé. Je vois pas l’intérêt.
– L’intérêt, c’est qu’elle n’aurait pas pu appeler le 17. Vous auriez eu plus de chances de vous faire interpeller.
En comparution immédiate, le 1er février, un livreur de Drone Delivery était jugé. Drone Delivery ? C’est le véritable nom du réseau tentant d’organiser des livraisons par drone dans les cours de prison. L’accusé s’était déjà fait attraper dans les semaines précédentes pour une livraison ratée à la prison de Bourg-en-Bresse. Cette fois, c’est sa livraison dans la prison de Varces qui n’a pas atterri. Lui, Italien installé depuis 10 ans en France, immigré modèle selon le portrait du procureur, a atterri au tribunal. Dialogue entre l’accusé et la juge.
– Visiblement vous n’êtes pas un très bon pilote de drone car vous vous étiez déjà fait interpeller.[...] Je comprends rien. C’est foireux votre truc quand même. [...] Ça vous dérange pas de larguer un téléphone ?
– Si, Madame.
– Pour 500 euros, ça vous dérange pas qu’il y ait des gens qui puissent s’organiser, qui puissent s’évader ?
– J’avais pas pensé, Madame.
– Il aurait pu y avoir des armes, dans ce paquet.
– Non, le drone, il ne transporte que 320 grammes.
– Je vous assure, une bonne arme, c’est moins de 320g.
– Après la garde-à-vue à Bourg-en-Bresse, vous n’avez pas été dans un tribunal ?
– Je sais pas ce que c’est.
– Un tribunal, ça ressemble à là où vous êtes. [...] Je confirme que vous n’êtes pas un habitué des tribunaux : quand vous êtes convoqué, vous n’y allez pas. Vous avez des papiers qui expirent dans deux jours. Vous savez que c’est une question d’actualité, hein, le renouvellement des papiers des casiers judiciaires. Vous êtes quelqu’un d’intelligent, avec un parcours comme ça, on espère juste que vous expliquiez aux jeunes de nos quartiers comment bien grandir.
« On ne se remet jamais de ça »
En octobre 2016, Jean-Pierre Ferrara avait été abattu par la police dans son jardin à Échirolles. Appelés par un voisin avec qui il y avait eu une altercation, les cinq policiers s’étaient estimés en état de légitime défense devant l’homme alcoolisé brandissant une arme factice et lui avaient tiré pas moins de sept balles dont trois l’avaient atteint mortellement. Le 21 février, la cour d’appel de Grenoble a confirmé le non-lieu pour les policiers, provoquant la colère de l’avocat de la famille de Jean-Pierre Ferrara. Maître Ronald Gallo crie toujours à la bavure policière et se pourvoit en cassation : « La vérité a été sacrifiée sur l’autel de l’ordre social et politique. L’erreur d’un policier, cela peut passer. Mais qu’une bande de policiers commettent, ensemble, un meurtre, ce n’est pas entendable » (Le Daubé, 23/02/2023). Sept ans plus tard, la femme de Jean-Pierre Ferrara ne décolère pas non plus. Voilà son témoignage.
« Mon mari n’a jamais été violent, jamais tapé quelqu’un. Il travaillait comme carrossier à la Tag, avait des amis de partout.
On ne se remet jamais de ça. Un an après, j’ai fait une crise de démence. Je suis tombée en dépression, j’ai eu un AVC. J’ai perdu 15 kilos avec toutes les angoisses que j’ai eues. On avait une petite vie tranquille, j’ai dû revendre la maison, j’habite maintenant dans un petit appartement. Suite à ça mon fils a pété des plombs, fait des conneries.
Dieu peut pardonner, mais pas moi. Je ne veux pas de leur argent, je veux que justice soit faite et qu’ils reconnaissent leurs torts. Pour que ses petits enfants sachent comment leur pépé a été tué. C’était pas normal, ils n’auraient jamais dû tirer sur lui, il n’y a même pas eu de sommations.
Quand j’ai perdu mon mari, tout s’est effondré. Des amis se sont éloignés. Mais qu’est-ce qui nous est arrivé ? Pourquoi nous ? Aujourd’hui, j’arrive toujours pas à m’y faire. C’était vraiment un amour fou. »