Accueil > Hiver 2023-2024 / N°71

Dans ce numéro, seulement deux pages sur STMicro

Enseignements de l’enquête publique

Comme prévu (voir Le Postillon n°69), les commissaires enquêteurs ont rendu un avis « favorable » (quoiqu’accompagné d’importantes réserves et recommandations) à l’extension de STMicroelectronics. L’analyse des 340 contributions apporte néanmoins quelques éléments intéressants.

Une commune a voté contre !

Le Daubé (24/11/2023) signale que « onze collectivités dont la Métropole et la ville de Grenoble ont délibéré en conseil. Si elles sont favorables, elles émettent pour la plupart des réserves fortes. » Ceci est un mensonge ! Car, en plus d’avis non clairement orientés (comme celui de la Métropole) une collectivité a émis un avis clairement « négatif en l’état  », voté à l’unanimité. C’est celle du Plateau-des-Petites Roches, 2 400 habitants, située à trois kilomètres à vol d’oiseau du site de ST Crolles. En cause, pour cet avis émis « en concertation avec les habitants réunis dans le cadre de la commission Plateau en transition du 18 septembre 2023 » : le manque de transparence et de sincérité du dossier ; les flous autour de l’augmentation de la consommation d’eau et du « recyclage » annoncé ; l’accumulation des polluants dans l’Isère sur le long terme ; les risques technologiques ; l’empreinte carbone et la gestion des flux domicile travail vers les communes de montagne ; la bétonisation de terres agricoles pour la construction d’un parking provisoire de 800 places. Dans son avis personnel, la conseillère municipale Véronique Fernandez évoque aussi des questionnements de choix de société : «  Agrandir l’usine de STMicroelectronics de Crolles c’est valider un projet de société qui considère qu’un surplus d’objets connectés, de trajets (du moment qu’ils sont en voiture électrique), d’extraction de roches, de métaux et d’eau considérés comme des “ressources” et leurs corollaires de pollutions sont la réponse adaptée à l’accélération actuelle des perturbations environnementales.  » Autant d’éléments intéressants qui auraient – a minima – mérité une interview dans Le Daubé… Mais apparemment, le quotidien préfère mettre en avant d’autres positionnements et ignore cet avis clairement défavorable d’une institution publique.

Division chez les écolos

Jusqu’à peu, les prises de positions des élus Écologistes (nouveau nom rebrandé du parti d’EELV) sur l’extension de STMicroelectronics étaient plutôt de l’ordre du « Oui, mais... ». S’ils se voulaient « vigilants » sur les enjeux environnementaux (notamment la consommation d’eau), ils se déclaraient favorables à l’extension, mettant notamment en avant la « relocalisation » et la « souveraineté ». Ceci entraînant nombre de critiques de la part du collectif STopMicro, pointant qu’il ne s’agissait ni d’une relocalisation – les puces produites à Crolles vont s’additionner à celles produites ailleurs dans le monde – ni d’un enjeu de souveraineté – STMicro étant une entreprise franco-italienne basée en Suisse payant ses impôts dans le paradis fiscal des Pays-Bas, alliée pour l’extension avec une entreprise détenue par un fonds d’investissement des Émirats Arabes Unis. Ces arguments ont-ils fait cogiter les Écolos ?
Les contributions à l’enquête publique d’élus ou militants écologistes laissent en tout cas entrevoir un changement de positionnement. Seul Éric Piolle n’émet pas d’avis « défavorable », en argumentant que cette extension répondrait – la bonne blague – à « un enjeu économique de réindustrialisation bas carbone ». Les satellites Starlink, les armes high-tech, les objets connectés, les nouveaux iphones, les voitures électriques pour riches… autant de débouchés « bas carbone » !
D’autres personnalités écologistes du coin semblent avoir un niveau de réflexion un peu moins « bas carbone ». Le député Jérémie Iordanoff, la conseillère départementale Marie Questiaux, l’adjoint à la ville de Grenoble Pierre Mériaux, l’ancien adjoint Raymond Avrillier, l’ancienne adjointe Claire Kyrkiacharian, le conseiller régional Vincent Gay et le groupe local des écologistes du Grésivaudan : tous ont posé des avis clairement défavorable à l’extension. Les associations environnementalistes (France nature environnement, Grésivaudan nature environnement) ou citoyennes (Civipole, Grési’ citoyen-nes), dont les membres font souvent partie de l’électorat écologiste, se sont également déclarés défavorables à l’extension. Même sur cette question, Piolle est de plus en plus isolé… Reste que la position officielle du parti les Écologistes - Isère est floue. A‑t-elle évolué depuis le communiqué du 5 juin 2023, où on apprenait que « pour les écologistes de la Métropole, du Grésivaudan, de l’ensemble de l’Isère il est important d’affirmer que ces industries sont indispensables aux transitions vers un monde bas-carbone » ?

ST, le micro père des peuples

Quasiment toutes les contributions argumentées à l’enquête publique sont défavorables. Les « pour », majoritaires (environ 60%) et pour une bonne part représentants de toutes les grosses boîtes ou institutions du coin, se contentent d’une ou deux phrases laconiques pour déclarer leur amour du bienfaiteur STMicroelectronics. La palme du cirage de pompe revient à cette contribution anonyme : « Enracinée au cœur de notre communauté, STMicroélectronique [sic] est bien plus qu’une entreprise. C’est un moteur d’innovation, de prospérité et d’opportunités pour tous. Les visages souriants de ses employés témoignent de l’engagement et du dévouement de cette société envers notre région. » Et rien sur la pluie qui tombe à chaque apparition de son PDG ?