Il n’y a pas qu’à la Préfecture que la dématérialisation entraîne des gros bugs. Aux impôts aussi ! Tous les matins du mois de novembre, il y a en permanence une bonne cinquantaine de personnes qui poireautent devant l’hôtel des impôts avenue Rhin et Danube. Déjà parce qu’il n’est plus ouvert que le matin… Mais aussi parce que beaucoup viennent pour régler une erreur informatique. Depuis l’année dernière et le dispositif « Gérer mes biens immobiliers », les propriétaires de logements doivent eux-mêmes déclarer sur internet si leurs biens immobiliers sont occupés – par eux-mêmes ou des locataires – ou vides. Sauf que cette année, le site a a priori complètement foiré. Et quantité de propriétaires (des milliers dans le département, selon Sébastien, Agnès et Clément, les syndicalistes rencontrés) se retrouvent à payer la taxe sur les logements vacants alors qu’ils y habitent ou le louent – parfois depuis trente ans. « Certains ont même reçu une taxe sur un logement vacant pour un garage » assurent les syndicalistes. Précision : ce n’est pas la faute des propriétaires – qui ont a priori tous bien renseigné le site – mais d’un bug général.
Si les propriétaires ne signalent pas l’erreur, ils doivent payer… au risque d’être poursuivis. « Ils vont avoir une relance, leur compte bancaire peut être bloqué, ils peuvent avoir une retenue sur salaire… En tout cas l’erreur ne va pas se réparer toute seule. » Voilà pourquoi des dizaines de personnes poireautent quelle que soit la météo. À 11h20 ce 21 novembre, les agents de sécurité présents ferment les portes de l’hôtel des impôts, vu qu’il ne reste déjà pas assez de temps pour faire passer la quarantaine de personnes présentes à l’intérieur.
Comme pour la Préfecture, ce bug est plus symptomatique qu’anecdotique. Symptomatique de la dématérialisation du service public des impôts, qui aura entraîné « la suppression de 464 emplois en Isère en 15 ans. Aujourd’hui, en plus, 10 % des postes sont vacants… Ce qui explique aussi qu’on est incapable de faire face à un problème informatique. Des milliers de messages sur répondeur téléphonique restent sans réponse… Les personnes n’arrivent plus à prendre de rendez-vous. Le numérique devrait être une possibilité, pas une obligation. Il y a encore énormément de gens qui ont des problèmes avec la lecture de la langue française, avec l’informatique... »
Depuis dix ans, les fermetures des trésoreries générales dans les petites villes (Vizille, Échirolles, Mens, Corps, Bourg-d’Oisans, Allevard, etc.) se sont multipliées, agrandissant la pression sur le « grand » hôtel des impôts de l’avenue Rhin et Danube. Mais la volonté de la direction est claire. « Un jour notre chef nous a dit : “Il faut désintoxiquer les gens de l’accueil physique.” Comme si les gens venaient ici par plaisir... » Résultat des courses : « Il y a une grande maltraitance, à la fois des agents et à la fois des contribuables. »