Accueil > Oct / Nov 2012 / N°17

Journalistes locaux : un voyage contre un léchage

Amis puissants, si vous voulez vous assurer les bons services des journalistes locaux, une technique semble être particulièrement efficace : les faire voyager. Comprenez-les  : cantonnés d’ordinaire dans une petite bourgade de province, obligés d’arpenter des ruelles et des salles des fêtes qu’ils connaissent par cœur, un bon bol d’air ne peut que faire du bien à leur ego et à leur empathie naturelle envers les puissants – empathie quelquefois un peu amoindrie par une stagnation excessive, propice à développer une certaine aigreur, voire plus rarement un trait d’esprit critique. La presse locale nous a offert récemment quelques bons exemples de l’efficacité de cette technique. Le 29 août, la néo-ministre ex-cumularde Geneviève Fioraso invite une scribouillarde du Daubé et un prêcheur de France Bleue Isère à monter à la capitale pour la suivre une journée. Au programme : visite du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, conférence des ambassadeurs au ministère des Affaires étrangères, sortie du conseil des ministres dans la cour du palais de l’Elysée  : forcément ça pète plus que le boulevard Jean Pain, la conférence de presse sur les travaux du tram et l’assemblée générale de l’union de quartier Bajatière. Les deux journalistes ont su être reconnaissants envers la ministre de leur avoir permis de toucher un moment les étoiles parisiennes plutôt que d’arpenter les rues embouteillées grenobloises. Et d’affirmer, dans leur compte-rendu dépourvu de tout recul critique, «  qu’un truc sautait vraiment aux yeux : Geneviève Fioraso semble à fond   » ou qu’ «  elle n’a même pas encore pris la grosse tête  !   ».
Le 30 août, La Métro invite une délégation d’élus et un journaliste du Daubé à venir voir fonctionner un transport par câble dans la ville de Bolzano en Italie pour promouvoir son projet de téléphérique entre Grenoble et le Vercors (voir Le Postillon n°16). L’opération de charme réussit à merveille pour le gratte-papier qui s’enflamme le lendemain dans un article dithyrambique : «  Disons-le tout net : tout opposant au projet de transport par câble Grenoble-Vercors ne pourrait qu’y devenir favorable après avoir vu comment fonctionne celui de Bolzano.  » Surtout s’il se fait payer le voyage par les promoteurs du projet ?