Accueil > Été 2019 / N°51

La noix d’honneur...

La noix d’honneur est décernée à l’unanimité du jury à Ludovic Bustos, le maire de Poisat.
Avant 2014, Ludovic Bustos était surtout connu pour être le chanteur-leader du groupe grenoblois Ke Onda, interprétant une sorte de sous Manu Chao avec des paroles sirupeuses en espagnol. Quand il chante en français, c’est pour balancer des idées hyper engagées du type : « Mais où va la France ? / Dis-moi qui danse / sur la souffrance / la joie et l’espérance. » Au milieu du clip de cette chanson, tourné dans une manifestation, un intermède annonce « en raison d’un mouvement de rêve général, nous donnerons suite à ce programme dans un autre monde ! » Sur Youtube, on trouve aussi une vidéo de leur concert à la fête de la musique 2014 où Ludovic Bustos s’enflamme : « C’est pas fini Grenoble ! Sigue la lucha !  » Depuis 2014, le chanteur est devenu maire de Poisat (2 200 habitants) et vice-président de la Métropole en charge des espaces publics et de la voirie. S’il se trimballe presque toujours avec une écharpe de baba-cool, ses actes et sa langue de bois ne dénotent pas de ceux des autres politiciens métropolitains n’ayant aucun passé manuchaoesque. À première vue, nulle trace de «  joie et d’espérance  », de « rêve général  » ou de « lucha », si ce n’est pour mener à bien le programme ô combien révolutionnaire de Cœur de ville, cœur de métropole. Une routine technocratique qui a été mise à mal le 3 avril dernier : des militants d’Action Non-Violente Cop 21 ont « réquisitionné  » un portrait d’Emmanuel Macron dans la salle du Conseil municipal de sa mairie afin de protester contre le « vide de la politique climatique et sociale du gouvernement  ». Rien de bien méchant, juste une action symbolique, par ailleurs réalisée une cinquantaine de fois dans toute la France ces dernières semaines. Mais ceci a ulcéré le maire-chanteur : « Ce ne sont pas des pratiques ! J’aurais voulu discuter avec eux. Nous sommes dans un lieu de République, de démocratie.  » (Place Gre’net, 3/04/2019). Mais où va la France ? Un portrait de Macron «  réquisitionné » et c’est la République qu’on assassine pour Ludovic Bustos : « Je trouve que c’est un acte assez violent par rapport à la commune. Ce n’est pas très fair play. Je suis assez choqué ». Oubliez les tirs de LBD et les yeux crevés dans les manifestations : la vraie violence, c’est de ne plus avoir la trombine du Président dans la salle du Conseil municipal. Comme les militants n’ont pas gentiment rendu le portrait de Macron comme il le leur avait demandé, Ludovic Bustos a déposé plainte pour « vol en réunion ». Une plainte qui a abouti à dix gardes à vue et un «  rappel à la loi ». « Sigue la lucha  » !

La réponse de Ludovic Bustos sur Facebook :

« Comme je ne suis pas à la hauteur en tant qu’homme public et artiste j’aurais davantage préféré me voir caricaturé avec une immense guitare, bien trop lourde et imposante, l’écharpe d’élu tricolore en guise de sangle pour porter ce fardeau. (…) La méchanceté gratuite, l’interprétation des choses et les raccourcis ne sont définitivement pas ma conception des relations humaines. Ils semblent faire partie des vôtres. Qu’il en soit ainsi. Je le respecte. (…) Ceux qui me connaissent, ce qui n’est visiblement pas votre cas, savent que je suis resté toujours le même dans ma façon d’être. Mes engagements politiques et artistiques n’ont pas changé, mes convictions et mes valeurs humaines non plus. Alors “sigue la lucha” cher Postillon, ne vous en déplaise. Ce sera avec plaisir que je viendrai chercher ma récompense lors de la cérémonie de remise des “Noix d’honneur” que vous organiserez en présence, bien évidemment, de votre jury qui a voté pour moi à l’unanimité.
Si vous cherchez un lieu cela peut se faire publiquement en Mairie de Poisat dans la salle du conseil municipal. Il manquera juste le portrait officiel du président de la République en exercice mais, ça, vous le savez déjà. Je pourrais, à cette occasion vous chanter, avec ma guitare, une de mes sirupeuses chansons en espagnol. Soyez-en assurés, dans le public, certains seront ravis. Vive la République et vive la France avec sa presse libre, indépendante et... anonyme dont je partage, en totale transparence, cet article. 
 »

Le Postillon :
OK M. Bustos, on va peut-être venir au conseil d’octobre avec des buenas ondas et nos célèbres cagoules noires. Préparez les mojitos et les pailles.