Pas toujours facile de passer du statut de contestataire à celui d’élu. Il n’y a pas si longtemps, l’universitaire Laurence Comparat se définissait comme une « militante radicale » (Grenews, 29/06/2011), et s’activait notamment au sein du syndicat Sud contre la privatisation des universités. Elle s’était même fait remarquer lors d’une action en se « déguisant » avec une perruque en Valérie Pécresse (la ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque) pour dénoncer ses réformes libérales. Vendredi 10 octobre dernier, Laurence Comparat a introduit, en tant qu’adjointe à la ville de Grenoble, les fondamentales du CNRS, opération de propagande pour la technoscience à laquelle devait assister la ministre de la privatisation des universités, Fioraso, sponsorisée par les grandes entreprises désintéressées que sont Saint-Gobain, LVMH, Suez environnement ou la Banque populaire. Dehors, une centaine de personnes manifestaient et bloquaient les entrées suite à un appel de son ancien syndicat « à un rassemblement festif contre Fioraso et le Medef ». Gênée aux entournures, elle n’a pu que « regretter vivement que ce débat se passe sous protection policière », avant de plus tard déclarer sa flamme aux chercheurs aussi balourdement qu’un Destot : « à Grenoble nous espérons beaucoup du tissu scientifique que nous avons à portée de main. (…) La recherche est une chance inouïe que nous avons au pied de la mairie ». Pas un mot par contre sur les réformes libérales en cours et l’ingérence des entreprises privées. Il faut bien que vieillesse se passe.
À quoi pourra servir l’open-data ?
Innovation ! À Grenoble on a la chance d’avoir – une première en France ! - une adjointe à l’« Open Data et aux logiciels libres » (remarquons l’audacieux mélange anglais-français). L’Open Data, c’est le concept à la mode pour désigner « l’ouverture des données publiques ». Quelle bonne idée ! Mettre à disposition du public les contrats passés entre les collectivités et les promoteurs privés, les comptes rendus de commissions, de comités de pilotage ou de rendez-vous entre élus et patrons : on ne peut qu’être pour. Malheureusement, cela ne semble pas être la volonté de Laurence Comparat, l’adjointe en question. Au site Arrêt sur images (17/04/2014), elle explique qu’en dehors des questions d’urbanisme, cela pourrait être utilisé au sujet de la pollution. Pour lutter contre ? Non juste pour savoir quelle dose on se prend chaque jour : « Le potentiel citoyen est tel ici que je suis sûre qu’on verra apparaître de nombreuses idées pour exploiter ces données [NDR : des pics de pollution], comme par exemple des applications pour smartphone pour s’informer sur la pollution ». Prochaine étape : ouvrir les données de consommation des smartphones, pour savoir quelle pollution ils génèrent, de leur fabrication à leur recyclage, en passant par leur fonctionnement quotidien ?
À créer un futur orwellien « public » ?
Au conseil municipal d’octobre, l’adjointe à l’Open Data Laurence Comparat a fait passer une délibération – adoptée à l’unanimité – pour lancer le projet Datatweet. En gros, l’idée c’est de faire vivre « l’internet des objets » et la « ville intelligente ». Explication : « DataTweet se propose d’explorer l’idée d’un service public de données ubiquitaire pour le transfert de messages courts à très faible débit comparable à Twitter. N’importe quel utilisateur du service sera à même d’envoyer un petit message à très faible débit en utilisant tous les réseaux d’accès à sa disposition » Afin de rendre la ville plus « intelligente », tout-un-chacun - humain, robot ou objet connecté - pourra donc tweeter sur son smartphone qu’il y a une crotte de chien sur tel trottoir ou un embouteillage sur tel boulevard, ces informations vitales étant immédiatement reçues par toutes les personnes concernées. En défendant ce projet, Laurence Comparat a reconnu qu’il pouvait aboutir à un « cauchemar à la George Orwell avec le moindre objet qui surveille nos faits et gestes » avant de se faire rassurante en affirmant que Datatweet travaillerait « à des échanges de données anonymes », « dans une logique de service public », et qu’en plus il offrait « des perspectives pour le pilotage des collectivités locales ». Un « cauchemar à la George Orwell » public et anonyme, en plus mis en place par « l’autre gauche », c’est tout de suite beaucoup plus rassurant.