3 octobre : « Aujourd’hui c’est la gloire. Au moment même où je rencontre le millionnaire Pierre Bergé au ministère, je fais la une de son journal Le Monde, parce que je viens de lancer un nouveau plan pour l’avenir de l’université française. Il s’agit du projet « France universités numériques », ou plutôt FUN, ça fait plus cool. En gros, on va organiser « le déploiement à grande échelle » des cours en ligne à partir de janvier 2014. Comme d’habitude, on a bien bossé la communication et donc on présente ça comme une « révolution de la transmission des savoirs » qui permettra à plein d’étudiants d’avoir accès à des cours prestigieux. Et ce qui est pratique, c’est que cela nous permettra d’économiser pas mal sur les salaires d’enseignants car « les cours en amphi seront de moins en moins nombreux ». « Les nouveaux professeurs devraient être formés au et par le numérique » et leur futur boulot ne sera plus de disserter devant un troupeau d’étudiants à moitié saouls de la veille mais de faire des « accompagnements plus personnalisés, cours interactifs, tutorat en ligne ». Bref, j’espère laisser mon empreinte dans l’histoire de France, pour avoir été la ministre qui aura permis aux étudiants et professeurs de passer leurs vies entières derrière un écran. »
21 octobre : « Après un petit tour à la brocante Saint-Laurent le week-end dernier, je suis de retour à Grenoble et dois me coltiner des contestataires. Alors que j’étais venue tranquillement remettre une décoration à une chercheuse grenobloise, une bande d’étudiants chevelus entre dans le bâtiment et m’oblige à m’enfuir, entourée de mes agents de sécurité. Je les connais, ces anti-tout jamais contents. Ces ringards sont contre mon plan FUN et contre la loi qui porte mon nom, qui a pour but de rapprocher les entreprises des universités. « L’université va devenir un sous-traitant de la recherche et du développement des entreprises privés pour leur seul bénéfice ! » disent-ils en dénonçant « la privatisation des universités ». Le matin, ils étaient déjà allés perturber le conseil d’administration du PRES (l’université de Grenoble), maintenant ouvert aux chefs d’entreprise, et avaient même osé dévaliser les petits-fours. Mais qu’est-ce qu’ils croient ? C’est fini l’université à la papa où on enseignait une connaissance qui n’était pas rentable. Aujourd’hui tous les étudiants doivent pouvoir servir la croissance. C’est ce que je suis allée dire à mes amis les patrons cet été à l’université du Medef. »
8 novembre : « De retour à Grenoble. L’ambiance est plus tranquille car aujourd’hui les chieurs sont restés dehors dans le froid de la Place Verdun. Moi je suis au chaud à l’intérieur de la préfecture et je remets les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à un grand ami, Jean-Louis Brunet, un chef d’entreprise comme je les aime. Il a presque autant de casquettes que j’avais de mandats avant que je ne devienne ministre : président de la start-up H3C énergies, membre du conseil d’orientation du CEA, membre de Lyon place financière, membre actif des réseaux d’accompagnement Isère entreprendre et Alpes Grésivaudan initiative, de l’incubateur Grain, président du conseil d’orientation stratégique d’Inovallée, j’en passe et des meilleures. Et surtout il est président de Grenoble Business Angels et depuis peu de France Business Angels : c’est un réseau de gens fortunés qui se réunissent pour savoir dans quelle société il est le plus opportun d’investir. Ces gens-là, je les adore, ils ont compris qu’ils n’y avait que le business qui comptait dans la vie ! Je viens d’ailleurs de créer un nouveau statut d’« étudiant-entrepreneur » afin de faire émerger « un Zuckerberg à la française » (du nom du fondateur de Facebook). C’est à ça que doivent servir l’enseignement et la recherche ! »