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Le laboratoire grenoblois rayonne dans les guerres du monde entier

Depuis la guerre en Ukraine, le savoir-faire grenoblois rayonne à l’international ! Ce printemps, l’info avait fait les gros titres des journaux : l’entreprise Lynred (ex-Sofradir et ex-Ulys), fierté locale productrice de technologies infrarouges, a continué à vendre du matériel militaire à la Russie après 2014, malgré l’embargo européen. La technologie infrarouge permet de voir de potentielles cibles en pleine nuit, d’où son gros « potentiel » militaire. L’année dernière, on avait déjà révélé que la même société vendait du matériel militaire à la Turquie, également sous embargo (Missiles made in cuvette, Le Postillon n°61). Une révélation qui n’avait pas eu d’écho, les victimes du dictateur turc suscitant à l’époque moins de compassion que les Ukrainiens. Toujours est-il que la polémique Lynred-Russie est bien vite passée, même si de nouveaux faits moins médiatisés sont venus s’ajouter au dossier. En mai, le média Disclose révélait qu’un drone de l’armée russe « tombé » en Ukraine contenait des éléments fabriqués par Lynred. Encore un détournement de l’embargo ? « Pas forcément » nous répond Jean-Pierre, pseudo d’un salarié peu fier de Lynred : « Certains de nos produits peuvent avoir un double usage, civil et militaire. On peut le vendre à des clients, a priori pour des usages civils, mais on ne sait pas ce qu’ils en font après. Pour ce drone, c’est un intermédiaire qui a dû le revendre à l’armée russe. On ne sait jamais dans quelles mains nos produits finissent.  » Cette incertitude n’a pas l’air de poser de problèmes éthiques pour les responsables de l’entreprise, qui ont pour unique but de faire grossir leur chiffre d’affaires – et peu importe les « victimes collatérales ». Jean-Pierre poursuit : « Depuis quelques temps, la France accorde moins de licences de ventes d’armes alors Lynred perd des marchés. Mais la société fait un intense lobbying pour avoir le droit de vendre son matériel militaire – même à des clients peu recommandables ». Pour perfectionner ses produits létaux, Lynred peut même compter sur le soutien de l’université ! En février dernier, on apprenait que la fondation Grenoble INP venait de lancer une nouvelle chaire, en partenariat avec Lynred « dédiée à l’intelligence artificielle au service de l’imagerie infrarouge ». Quels étudiants sont prêts à aider les dictateurs à buter plus tranquillement leurs opposants en pleine nuit ?