Accueil > Hiver - Printemps 2022 / N°64

Panique chez les proprios de SUV

Le potentiel subversif du haricot

Le 10 décembre, Le Daubé sort un scoop : « Des pneus de 4x4 crevés au nom de la défense de l’environnement. » Encore une fausse information : ces pneus n’ont pas été crevés, mais simplement dégonflés. Comment ? Roger nous raconte tout, en rebondissant sur les deux articles du Daubé (10/12/2021 et 13/12/2021) consacrés à cette affaire.

« Le mercredi 8 décembre, vers 7 h 30, le propriétaire d’un 4x4 qui s’apprêtait à monter dans son véhicule, garé quai Jongkind dans le quartier de l’Île Verte à Grenoble, a découvert que ses quatre pneus avaient été crevés au cours de la nuit et qu’un autocollant “ornait” la vitre côté conducteur. [...] Il y était écrit : “Fier de participer activement à la destruction de la planète !” Alertés, les services de police avaient constaté les faits.  »

Ces derniers temps, la critique des SUV (Sport Utility Vehicule, soit en gros des 4x4) est devenu un classique de la lutte pour le climat. Parce que ces véhicules, dont les ventes explosent depuis une dizaine d’années, sont lourds et émettent donc beaucoup de CO2, pour leur fabrication comme pour leur fonctionnement. Mais les « défenseurs de l’environnement » sont quand même assez gentils. La plupart du temps ils ne crèvent pas, mais se contentent de dégonfler, notamment grâce à une arme étonnante, très écolo-bobo-friendly : le haricot mungo. Selon Wikipedia, « cette plante annuelle de la famille des fabacées est pleine de vitamine C, B5 et B3  ». Ce que l’on sait moins, c’est que si on glisse un haricot dans la valve d’un pneu et qu’on referme le capuchon, le pneu se dégonfle en trente minutes. Simple et discret.

« Le propriétaire d’un 4x4 qui s’apprêtait à monter dans son véhicule a découvert que ses quatre pneus avaient été crevés. [...] “J’étais en compagnie de mon fils que je devais accompagner à l’école lorsque j’ai vu que mes pneus étaient à plat. Je suis médecin, ma voiture est avant tout mon outil de travail.” »

Le médecin, outré, est propriétaire d’un BMW X5, un 4x4 de deux tonnes qui coûte environ 70 000 euros (près de 150 mois au RSA quand même). Pour «  faire ses déplacements » et «  assurer régulièrement ses astreintes  », a-t-il besoin d’un si gros et si cher véhicule ? L’article ne le dit pas. Il n’évoque pas non plus son avis sur la pollution de l’air et ses 30 000 morts annuels en France.

« La plupart des véhicules aux pneus crevés appartenait à des médecins ou des infirmiers.  »

Dans le contexte actuel, cette phrase du propriétaire du 4x4 (non vérifiée par Le Daubé) est lourde de sous-entendus. Ce dégonflage de pneus est-elle une action anti-soignants ? On apprend au passage que les infirmières auraient de quoi se payer des bagnoles à 70 000 balles.

« Des faits pris très au sérieux : une enquête a été ouverte par la police.  »

Heureusement que les flics s’occupent des vrais problèmes des (riches) grenoblois. Du reste, pour poser une plainte, il faut qu’il y ait « destruction, dégradation ou détérioration volontaire d’un bien appartenant à autrui ». Le dégonflage est-il une véritable « destruction  » ?

«  Attaqués au nom de la défense de l’environnement, les 4x4 sont-ils nécessairement plus polluants ? [...] Les SUV ont pris le leadership en termes d’image, relève Bertrand Balas, président de BMW ROYAL SA Grenoble. C’est d’abord devenu un style de voiture qui permet d’avoir de la place et une bonne visibilité par la position haute. Mais si on raisonne en motorisation, vous avez la possibilité, en hybride ou électrique, de rouler avec un véhicule qui, une fois chargé, ne pollue pas. Chez BMW, nous avons également un 4x4 100 % électrique avec 600 km d’autonomie. Bien sûr, il y a la question du gabarit mais les moteurs ont tellement évolué. Ce qui pollue le plus aujourd’hui, ce sont bien les moteurs anciens. »

La « bonne visibilité » est à relativiser. En effet,«  plus un véhicule est gros, plus la fréquence des dommages corporels augmente  », rappelle auto-infos.fr (01/09/2020). Qu’elles soient électriques, hybrides ou thermiques, la production de ces voitures est une véritable gabegie énergétique. Elles sont grosses, prennent de la place sur la voie publique, et ne satisfont que l’hubris des conducteurs. Même électriques (donc fournis par l’électricité nucléaire), impossible que ces SUV soient sobres énergétiquement. À leur décharge, c’est surtout la faute des constructeurs qui mettent en avant cette aberration écologique dans toutes les pubs. Et de la presse locale, qui trouve le moyen de donner la parole à un vendeur de bagnoles pour parler de la pollution de ces mêmes bagnoles.

Le président de l’automobile club dauphinois glisse : « De toute façon, ce n’est pas en crevant des pneus que l’on mène un combat.  »

Non, c’est en utilisant un haricot mungo (6 €/kilo).