Au printemps dernier la direction des universités de Grenoble a annoncé son intention de réaliser sur le campus une « esplanade conviviale à dominante verte ». Le problème, c’est que ce projet porte, comme par hasard, sur un terrain occupé par les « jardins d’utopie », devant la bibliothèques droit-lettres. Les « jardins d’utopie » existent depuis le mouvement d’occupation de la faculté qui avait sévi en 2006 à l’occasion des manifestations anti-CPE. Depuis sept ans, des étudiants plus ou moins chevelus occupent cette petite parcelle et font pousser quelques plantes et légumes. Certaines mauvaises langues les traitent de « mauvais jardiniers », mais l’important est ailleurs. Ce petit lopin permet de multiples rencontres, n’importe qui pouvant mettre les mains dans la terre et tailler le bout de gras autour de châtaignes grillées et d’une modeste cabane auto-fabriquée. Au milieu d’un campus triste comme du gazon ras, ce gentil bordel fait plaisir à voir. Mais ça ne fait pas assez classe pour la direction de l’université qui a d’autres ambitions que l’apprentissage du jardinage et du travail collectif. Cette expérimentation ne rentre pas dans leur prétention à l’excellence internationale et dans leur culte de l’innovation, qui se doit d’être technologique mais surtout pas sociale. Alors des flics ont été envoyés cet automne pour constater que « des installations ont provoqué la disparition de la pelouse en gazon » (quelle infamie) et que « des fruits et légumes poussent en pleine terre » (quelle horreur). Ce petit coup de pression n’a pour l’instant pas connu de suite, mais certains jardiniers en herbe craignent que les autorités profitent des vacances de Noël pour tout raser. Et pouvoir mener à bien leur projet d’« esplanade conviviale à dominante verte », ce qui n’a absolument rien à voir avec un jardin autogéré.