À quand l’ouverture d’un master en maintien de l’ordre ? Ces derniers temps, on voit de plus en plus les flics sur le campus, par exemple pour protéger les conseils d’administration de l’université Grenoble-Alpes (UGA), au grand dam des syndicalistes (communiqué du 16/02/2018) : « La décision de la présidence de l’Université de recourir systématiquement aux forces de l’ordre tranche singulièrement avec ses déclarations d’ouverture, de dialogue et de défense de la démocratie (…). Nous n’avons rien à craindre d’étudiants qui demandent que le débat s’engage (….) » Mais la police a également fait parler d’elle en expulsant violemment des étudiants protestant contre la tenue d’un colloque sur Frontex (agence de contrôle des frontières européennes). Sans sommation, les flics ont chargé et blessé une dizaine de personnes, dont quatre ont fini à l’hôpital. Alors que le président de l’UGA se défend d’avoir demandé l’intervention des forces de l’ordre (une lettre – publiée sur le site lundi matin - prouve le contraire), des étudiants et enseignants demandent l’ouverture d’une enquête sur cette opération sanglante. Et qui rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, le campus avait été pendant quelques jours complètement interdit à la police. C’était l’époque des « émeutes du campus » : en juin 1970, les flics ont voulu investir le campus pour interpeller trois militants. Non seulement ils ne les ont pas trouvés, mais en plus ils se sont pris une « journée des tuiles » sur la tête, des étudiants les canardant depuis le premier étage du restaurant Barnave. Volodia Shahshahani, un ancien membre de la gauche prolétarienne, a raconté cet épisode dans une interview aux Renseignements généreux (disponible sur leur site) : « C’est parti dans tous les sens, la peur changeait de camp. C’est incroyable l’inventivité qui s’est aussitôt dégagée. Des étudiants ont commencé à siphonner des voitures pour fabriquer des cocktails molotov artisanaux. Les filles des résidences universitaires Berlioz, en face de Barnave, ont commencé à jeter le mobilier de leur chambre, les lits, les armoires, sur les flics en dessous. Les flics se sont alors divisés en deux groupes, probablement pour donner l’assaut à Barnave : grossière erreur. Nous sommes sortis d’un coup, en masse, à l’assaut d’un des deux groupes de CRS. Les affrontements ont commencé dans ce qui était un terrain vague entre les résidences Berlioz et Ouest. Nous avions maintenant le nombre ; les flics ont fui en pagaille. Plusieurs étaient ensanglantés, les chemises déchirées, et des pistolets confisqués pour l’occasion. Les bus de CRS démarraient en catastrophe, oubliant certains de leurs occupants ». Les jours d’après des « barricades de plus de cinq mètres » empêchaient les flics de rentrer sur le campus jusqu’à l’organisation d’une « barricade-boum » un samedi soir : « Il y avait des hauts-parleurs partout, un mélange sonore d’explosions et de musique. Un coup tu dansais, un autre coup tu partais « au front » balancer ton cock sur les CRS qui balançaient des lacrymos, tu revenais te restaurer, etc. Sur le coup, dans les temps morts, je pensais au Viridiana de Bunuel, les sauvages font la révolution dans la fête... Pour l’intendance ce n’était pas compliqué, on avait vidé les réserves des restaurants universitaires. Au fur et à mesure que la nuit avançait, les flics ont été pris entre deux feux, car les jeunes des quartiers qui n’avaient pas réussi à entrer dans le campus pour la barricade-boum, les assaillaient depuis St Martin d’Hères ». Quarante-huit ans plus tard, quelques tags lors de l’occupation de la présidence de l’UGA le 3 avril sont considérés comme des « dégradations insupportables »....
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