Accueil > Hiver 2024-2025 / N°75

24 heures autour de Grand’Place et Alpexpo

entre fête et diarrhée

Avant ici il y avait un aéroport. Depuis les Jeux olympiques de 1968, les avions ont disparu et ont été remplacés par quelques habitations mais surtout des grands bâtiments où plein de gens fourmillent. Il y a le côté commerce, avec le centre commercial Grand’Place, en pleine panique suite à l’ouverture récente du mastodonte Neyrpic à Saint-Martin-d’Hères. Et puis il y a le côté « événementiel » avec le Summum, Alpexpo, Alpes Congrès, etc. Début novembre, deux complices du Postillon sont allés traîner leurs dégaines de « pacifistes » 24 heures dans et autour de ces grandes bâtisses. Et reviennent avec plein de questions sur la Foire, et sur ce qui foire.

Après une introduction piteuse avec un bateau de pirates qui balance des enfants à peine sortis de la sieste, animation qui tente de mettre en pratique la thématique « Trésors des Caraïbes », on se jette sur le « village civique ». En quelques minutes, on se retrouve cernés par des véhicules blindés de l’armée de terre, des tentes des chasseurs alpins, un véritable cockpit de l’armée de l’air et un des 9 membres de la police scientifique de l’Isère qui profite de notre état de choc pour nous embarquer dans un « jeu » sous forme d’enquête avec une scène de crime reconstituée avant d’enchaîner aussitôt par une démonstration de prise d’empreintes digitales (ouf, il n’y a pas l’animation « simulation d’inculpation »).

Il semblerait que l’on soit dans un endroit où l’on peut passer

  • d’une présentation d’un équipement de caméras de vidéosurveillance pour votre lieu de vie, assurant le suivi en direct sur votre smartphone,
  • à une démonstration de danse antillaise.

Mais aussi :

  • de la société A3D Drone Isère qui nettoie les tuiles de votre toit,
  • à l’achat d’un couvercle anti-débordement en silicone perforé conçu pour éviter les débordements lors de la cuisson des aliments, en permettant à la vapeur de s’échapper tout en maintenant les liquides à l’intérieur des poêles, casseroles ou faitouts.

Tout comme :

  • de l’association Bib de Plume qui propose de parrainer un chiot abandonné en assurant son biberonnage,
  • à l’achat d’une veste en cuir, si vous avez un « profil » comme le nôtre identifié par les vendeurs comme « travaillant dans le social, plutôt cool ».

En passant par une séance de « luminothérapie », un spa en apesanteur avoisinant les 25 000 euros, les alarmes Vérisure (palme d’or du nom de société le plus cohérent), ou les tapis Voraces « enfin un tapis pour la paix des ménages », etc. etc.
On passe allègrement et sans commune mesure du coq à l’âne.

Cet endroit, c’est la Foire de Grenoble, ayant lieu tous les ans à Alpexpo, la tête de pont du « parc événementiel de Grenoble ». On n’y était jamais venus, on a profité de la « journée gratuite » du 6 novembre dernier. On s’attendait à rien, alors on n’a pas été déçus mais… comment dire ? On a cherché le sens, et on ne l’a pas trouvé. On en repart avec la question existentielle, qu’est-ce qu’une « foire » ? Et l’étymologie nous apprend après coup que « feria » nous amène à la fête, alors que « foria » évoque la diarrhée. Finalement, est-ce que notre monde ne serait pas en pleine « foire » ? Quelque part entre la fête (on vit au-dessus de nos moyens) et la diarrhée (ça chie de partout) ?

Après ce labyrinthe intense et foireux, on se retrouve à errer dans Grand’Place, un centre commercial lui aussi en pleine foirade. Ah qu’il semble loin le temps où Vincent Sadé, le directeur développement de Klépierre France (la boîte qui gère Grand’Place, «  leader européen des centres commerciaux » possédant pas moins de 70 spécimens dans 10 pays, gérant un patrimoine de 25 milliards d’euros ) pouvait déclarer : «  Grand’Place restera le plus grand centre commercial en termes de surface, de chiffre d’affaires et de mix commercial de la région » (La Tribune, 30/01/2019).

Depuis, il y a eu l’ouverture de Neyrpic, le «  nouveau pôle de vie, de loisirs et de commerces pour l’agglomération grenobloise » à Saint-Martin-d’Hères. Les responsables de Klépierre et les élus de la Métropole avaient essayé d’anticiper l’arrivée de ce nouveau concurrent en lançant une grande rénovation de Grand’Place, inaugurée l’année dernière : 16 000 m2 de surface commerciale supplémentaires, 30 nouvelles enseignes portant le total à 150. Un investissement de 80 millions d’euros (!) pour tenter de garder ce titre glorieux de « plus grand centre commercial de l’agglomération », Grand’Place s’insérant même dans le vaste projet métropolitain de Grand’Alpe (en attendant le changement de nom de la ville en Grand’Noble...). Sur le site internet, les responsables plastronnent «  Grand’Place a l’audace des sommets qui l’entourent ».

« Revenez nous vite, vous nous manquez déjà »

En réalité, un mois après l’ouverture de Neyrpic, on dirait bien que cette tentative de contre-attaque a foiré. D’ici, on entend dans le nom de « Neyrpic » sa voracité, son venin et son costume de dragon, prêt à faire couler Grand’Place. Certains disent qu’il n’y a plus personne depuis début octobre. D’autres nous rétorquent « ah ben si vous voulez boire une bière il faut aller à Neyrpic, ils ont des terrasses ! ». Deux employées de ZARA qui finissent leur journée affalées sur les fauteuils entourés de fausses plantes s’exclament dépitées : « C’est mort ! Y a plus personne ! Ils sont tous à Neyrpic ! » La compétition entre les deux mastodontes commerciaux se joue même jusqu’aux affiches promotionnelles : à la sortie de Grand’Place, on peut lire « Revenez nous vite, vous nous manquez déjà » tandis qu’à l’arrêt de tram, la publicité de Neyrpic envoie en réponse « Vous n’allez pas en revenir !  ». Neyrpic – Grand’Place, le nouveau derby de la Métropole. Et cela ira jusqu’à une bière partagée plus tard dans la nuit sur le parking du Summum avec une drag queen de la Drag Race France 3, qui sort de scène et nous apprend que son prochain « show », c’est le 7 décembre pour l’inauguration de l’Austra Rock à... Neyrpic !

À moins que Neyrpic soit l’arbre qui cache la forêt du commerce en ligne ? C’est en tout cas l’avis d’un habitué des lieux : «  Il y a trop de centres commerciaux à Grenoble, et y a plus personne. Grand’Place, Caserne de Bonne, Comboire et puis maintenant Neyrpic. Les gens ils sont pas cons, ils achètent sur internet. Internet c’est le killer ! » 

Lui on l’a rencontré dans un des seuls endroits non-marchands de Grand’Place : les fauteuils de l’allée centrale. Suite au petit coup de pompe de la fin d’après-midi, on s’y est affalé-es et ça nous a réchauffé le cœur. Parce qu’on s’est rendu compte que malgré tous les artifices mis en place pour stimuler, faire consommer, hygiéniser, uniformiser voire lobotomiser, les passantes et passants ont trouvé un espace où zoner, s’asseoir deux minutes ou deux heures sans consommer, juste trouver du repos ou papoter avec des inconnus.

Recharger son portable comme on remplissait sa gourde

Ces fauteuils sont équipés de prises électriques ou USB, et c’est une des raisons qui poussent les gens à y rester. Alors bien entendu, on repense, non sans une certaine nostalgie, à ces villages de campagne où on passait au lavoir remplir ses bidons d’eau et faire causette avec ses voisins… Dans notre époque plus alimentée en 5G qu’en eau, on passe aux recharges de téléphone et on en profite pour faire causette à sa voisine de galerie commerciale. N’empêche qu’on y a trouvé des conversations charmantes, de l’imprévu, de la détente… de la vie ! On n’ira pas jusqu’à remercier les portables d’offrir des espaces communs, mais on en part plein de gratitude pour ces interstices où les gens bavardent et somnolent, à leur guise.

On se rend bien compte qu’il pourrait y avoir quelque chose d’obscène à aiguiser une certaine tendresse pour des espaces aussi détestables, notamment dans les milieux que l’on fréquente, à moins de revendiquer une singularité un peu radicale. On sait trop bien la mauvaise foi quasi dédaigneuse à l’égard de ces icônes de la consommation qui viennent ni plus ni moins révéler nos addictions les plus inavouables. Alors ça pose des questions d’y être pour rien, d’en avoir le luxe, et de profiter de l’occasion pour goûter à l’exotisme. On s’y sent à la fois obsolètes et étrangers, on n’a pas les codes, vestimentaires ou d’usage. Finalement, c’est pas simple d’en dire quelque chose, si tant est qu’il y ait quelque chose à en dire. Il faut la jouer fine car le conflit de classe est à deux pas et on ne veut pas tout foirer.

On est tellement à côté de la plaque qu’on se fait arnaquer par un fast food qui nous vend un hamburger moyen et trop cher. Un jeune garçon nous rit au nez «  oh comme vous vous êtes fait enfler ! Franchement mais à ce prix là moi j’me fais trois menus à Burger King », allant même jusqu’à rencarder ses potes pour bien nous ridiculiser.

On entame la nuit avec les mots d’une personne croisée sur la terrasse dudit Burger King : « Franchement faut faire attention la nuit ici, surtout si vous êtes pacifistes !  » On ne se laisse pas abattre tout en admettant que 1) on a des gueules de pacifistes 2) on n’a définitivement pas les codes et les bons plans de la junk food 3) on aurait dû aller à Neyrpic 4) on trimballe l’une comme l’autre une certaine obsolescence et ça nous dessert indéniablement.

Une musique lointaine nous aimante à nouveau vers Alpexpo où un défilé de voitures sort du Summum… On poursuit notre exploration de cette zone peuplée d’agents de sécurité de jour comme de nuit, panachant les entreprises les plus expertes en mode « foire » : de Sécuvision à Triomphe Sécurité, de Securitas à Licorne et bien d’autres… Un agent nous explique : « Nous, Vision, on s’occupe de l’accès aux bâtiments, Alpexpo, le Summum tout ça. Licorne eux ils s’occupent de tout ce qui est baston et palpation. Moi j’ai un style particulier de faire de la sécurité. Je fais de la sécu avec la parole.  »

C’est le même qui, tout en refusant de nous donner accès à la soirée hype du moment, nous donnera son point de vue sur la pseudo-Foire : « Non, vous pouvez pas rentrer là c’est privé maintenant, elle est fermée la Foire. C’est une soirée ambassadeurs, tu vois la pub de Ferrero Rocher, eh ben c’est pareil. C’est ambiance champagne avec tous les mecs de l’automobile. Et pourtant, maintenant, c’est vraiment une Foire de merde. Ah franchement, t’appelles ça une Foire toi ? Non mais y a 10 ou 15 ans y avait au moins 1 200 exposants et les gens ils venaient pour acheter, car ils savaient que y avait l’prix foire. Tu vois c’que j’veux dire ?  » Il fait des allers-retours pour garder la porte ouverte. «  Aujourd’hui c’est 300 exposants y a personne, et les gens ils visitent. Ils peuvent pas acheter, ils ont plus d’argent. C’est les mêmes qu’à la Foire des rameaux. C’est une attraction si tu veux. C’est comme le marché de Noël à Victor Hugo avec leurs cabanes de merde franchement. Moi je fais les deux et je sais de quoi je parle. »

On a fait le tour des agents de sécu, on ne trouve plus âme qui vive dans le coin et nous échouons dans le hall de l’hotel B&B, où BFM TV nous berce et nous pousse finalement à aller dormir quelques heures dans un appartement d’amies tout proche.

« Ici nous partageons tous un air de famille »

Il est 6h15, au lointain la fumée sort de la cheminée de la Compagnie de Chauffage, on trimballe nos cernes derrière les vitres de quelques entreprises où les agentes d’entretien finissent leur corvée. Un climax fugace pendant cette aube insolite, sorte de réaction en chaîne « foireuse » au bout de la rue Henri Barbusse : il y a de la fumée qui sort de la bouche d’égout, un camion des services techniques arrêté en marche avec personne à l’intérieur, une voiture et un vélo coincés devant le portail nord-est d’Alpexpo et une voiture tunée qui s’arrête devant nous pour nous demander «  c’est où le turf de Échirolles ?  »

Aucun lien entre les événements, on cherche à comprendre : un effet post-foire sans doute.

En quête d’un café et d’une brioche, le seul endroit ouvert dans le secteur à part les hôtels, c’est la salle de sport Basic Fit dans la galerie marchande de Carrefour, où on nous dira que la boulangerie la plus proche est à plus d’un kilomètre. On ne peut pas sortir de la zone, c’est notre règle, alors on reste dans le hall d’entrée de Carrefour, devant le rideau de fer qui se lève d’ici peu car « ici nous partageons tous un air de famille » comme c’est écrit dessus. Deux femmes s’approchent avec leur caddies : « – Vous êtes les premières clientes ? – Ah toujours, chaque semaine. On a nos p’tites habitudes et puis moi vous savez, j’étais déjà réveillée que vous étiez même pas couchés. » Un troisième homme les rejoint, puis 4, 5, 6 personnes. En ligne, devant le rideau de fer, chacune avec son caddie, dans un débriefing à la truelle des élections américaines, « c’est bien fait pour eux !  » L’agent de sécurité ouvre le rideau de fer. En dix minutes, il y a une ambiance de courses tonique et joyeuse, à une heure de pointe évidente des personnes âgées.

Le supermarché Carrefour, c’est une toute autre affaire, la galerie attenante au supermarché n’ayant pas eu le privilège d’une rénovation. Même si une charmante passerelle les relie, on sent bien que ce trait d’union est presque une faveur et nous fait à nouveau passer du coq à l’âne, Grand’Place étant le coq et Carrefour l’âne. Cette atmosphère un peu obsolète de l’hypermarché et sa galerie du temps jadis favorise sans doute l’ambiance délicieuse à la terrasse intérieure de Chez Félix, pizzeria café gérée par Patrick Falconnier depuis plus de 40 ans. « Alors comment ça va ? Franchement je sais pas si ça va. Y a tout qui part en couille. On a trop laissé faire ! » Nous avons déniché un lieu de convivialité, un bistrot où l’on se salue : c’est chez Patoche. Charmés par ce café de fortune, on marche à la dérive sans comprendre précisément notre trajet, et on réussit à pénétrer dans Grand’Place où une surprise nous attend, place des sommets : le Job Dating Grand’Place.

« Avoir une capacité et un relationnel à faire rougir nos tomates fraîches. »

Pour les obsolètes et les feignasses, le « job dating » est une forme de recrutement basée sur le speed dating, qui permet de rencontrer plusieurs recruteurs en quelques minutes. Cet événement est co-organisé par Grand’Place, la Métropole, France Travail, le Plie (plan local pour l’insertion et l’emploi) et la Mission locale. Pour l’heure, il y a une série de tables, de chaises, de paravents avec toutes les meilleures enseignes de notre espace préféré. Les entretiens durent entre 2 et 7 minutes mais évidemment comme vous l’aurez deviné, il y a beaucoup moins de monde qu’à Neyrpic et ça commence à être pénible. « Neyrpic, c’est 800 emplois et le job dating il y avait énormément de monde. Ici, depuis l’extension c’est quand même 350 emplois en plus, mais on a encore besoin de monde. On est un peu déçus car on avait libéré le premier créneau pour des personnes accompagnées par la mission locale et il y a beaucoup d’absents. » nous confie la chargée-de-mission-entreprise-inclusive-direction-insertion-emploi-Grenoble-Alpes-Métropole.
Pour quelles raisons les enseignes ont tant de mal à recruter alors que tant de personnes sont là, à faire la queue pour avoir un droit d’échange d’une dizaine de minutes avec un employeur ? Les conditions de travail seraient-elles trop déplorables ? On cherche en vain sur les offres d’emploi les salaires qui correspondent. Aucune information sur le sujet : on demande à une employée de France Travail qui nous félicite pour la question, puis concède qu’« il s’agit sans doute d’un choix stratégique des employeurs » ! Et l’on ne recule pas devant les métaphores, comme Burger King : la grande chaîne propose comme responsabilité et missions à ses candidats : «  Vous avez une capacité d’adaptation et un relationnel à faire rougir nos tomates fraîches. »

On doit avouer que cette phrase, on a beau la tourner et la retourner dans tous les sens, on peine à la comprendre, à se représenter quel relationnel on doit travailler pour postuler à Burger King. Pour faire rougir des tomates fraîches en plein mois de novembre, faut-il les séduire ? Les humilier ? On a encaissé beaucoup d’excentricités foireuses mais là quand même, on a du mal à suivre.

Et que dire de « Selling ceremony », qu’il faudrait savoir transmettre à son équipe ? Une chanson ? Un jeu collaboratif ? Une animation pour mettre l’ambiance dans le magasin ? On s’adresse à un acteur de la mission locale qui ne parvient pas à nous l’expliquer, alors une candidate cherche la définition sur son smartphone. « C’est la “cérémonie de vente” : un concept dans les magasins de luxe afin d’offrir des services sur mesure pour des ventes personnalisées à haute valeur ajoutée. » Encore un truc qu’on aurait bien su foirer.

Un début de bagarre dans l’étage en dessous nous éloigne de l’animation du jour, vite géré par les agents de sécurité. Allez, un dernier café dans ce qui semble être le deuxième « bistrot » de quartier à Grand’Place : la Croissanterie. Et on repart émus par ce haiku sur les serviettes en papier de l’établissement : « Nous nous plions en 4.  »

La question de la foire est derrière nous, pas résolue pour autant, mais plutôt recouverte par toute une série de nouvelles questions. Sans le savoir, on a exploré le grand écart entre fête et diarrhée, alors on est un peu sonnés.
Fur fe, bonne foirée.

Histoire d’une galerie commerciale

Pour celles et ceux qui n’auraient pas le réflexe de fréquenter cette zone – et l’on ne voit pas en vérité qui n’aurait pas au moins une sinon dix raisons de le faire – nous sommes au cœur de ce qui a d’abord été l’aéroport Grenoble Mermoz entre 1936 et 1967, au carrefour de Grenoble, Échirolles et Eybens. Progressivement, et grâce aux Jeux olympiques de 1968, celui-ci sera recouvert par Alpexpo qui voit le jour en décembre 1967, conçu par l’architecte Jean Prouvé, agrandi par son fils Claude, édifice aujourd’hui labellisé « patrimoine du XXème siècle », et qui accueillera dans un premier temps des boutiques de luxe durant toute la durée des J.O. S’en suit, en toute logique, l’ouverture de l’hypermarché Carrefour en 1969. Tout se passe à merveille alors, bien entendu, on projette une extension sous forme de centre tout à fait composite avec des magasins, des bureaux, des logements et bien d’autres surprises, dans la continuité de l’expérimentation sociale et urbaine de la Villeneuve. Beaucoup trop avant-gardiste, ce projet ne trouvera pas aisément de financeurs, et c’est donc les villes de Grenoble et d’Échirolles elles-mêmes, qui vont s’allier et se retrousser les manches pour faire naître le centre commercial Grand’Place le 26 août 1975, avec déjà 63 commerces. On en déduira que le signe chinois de Grand’Place est... le lapin, et l’on s’en moque, mais il est agréable de le savoir malgré tout. Pour la petite histoire, afin de minimiser la contradiction d’installer un centre commercial juste à côté du quartier rempli d’utopies qu’était Villeneuve à ses débuts, la mairie de l’époque avait installé une fresque anti-consommation sur les murs du centre commercial. Cette fresque présentait des variations autour du « radeau de la méduse » et était une allégorie des dérives de la société de la consommation. Quarante ans plus tard, la fresque a disparu, trop abîmée et jamais entretenue.

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