Accueil > Février-Mars 2017 / N°39

Alpes Mis(h)ere

Dans notre formidable époque mondialisée, les élites veulent que les territoires se transforment en marques. En 2011, la municipalité Destot avait tenté d’imposer le nom barbare PlayGrenoble : une coûteuse opération de communication tombée aux oubliettes quelques années plus tard. Cette fois, c’est la majorité de droite du département de l’Isère qui vient de lancer en grande pompe la nouvelle marque Alpes Is(h)ere afin de « faire de l’Isère une machine à gagner ! », c’est-à-dire appâter le touriste et son porte-monnaie. On pourrait simplement se gausser de ce nom ridicule, mais le service com’ du département a également pris soin de fournir un argumentaire, qui défend les qualités de ce logo raté : « simplicité », « humour décalé » et « usage de l’anglicisme ». Remarquons au passage la qualité de « l’humour décalé » (qu’est-ce qu’on se marre, isère, is here, vous avez compris ?) et comment les élus de droite, qui n’arrêtent pas de parler d’identité et de racines, revendiquent l’utilisation d’une langue étrangère.

Le plus drôle arrive : « Pour être efficace et attrayant, un symbole visuel se doit d’être harmonieux et équilibré. Cet ordre naturel du monde s’obtient à coup sûr en appliquant le nombre d’or (environ 1, 618). Découverte au Moyen Âge par le mathématicien italien Fibonacci, cette proportion idéale se retrouve dans la nature et dans tous les chefs-d’œuvre humains, du Parthénon à Mona Lisa… jusqu’à la marque Alpes is(h)ere ! » Léonard De Vinci doit être honoré au fond de sa tombe. Le voici mis au même plan que les communicants du département de l’Isère : quelle gratitude. Remarquons que le fameux nombre d’or est aussi présent dans les proportions de la coquille d’escargot, symbole de la décroissance : doit-on comprendre que les républicains sont devenus des baba-cools chevelus ? Pour couronner le « chef-d’œuvre », orné de « lettres capitales signe de force et d’ambition », le communiqué vante « la promesse de la marque, source d’élévation et de hauteur : elle invite tous ceux qui rejoignent l’Isère à se hisser vers les sommets ». On parle beaucoup de « post-vérité » en ce moment. Un beau concept, qui ne doit pas faire oublier cette vérité vraie : les communicants nous prennent pour des cons.