Il y a encore trois mois, BB était chargé de mission à la mairie de Fontaine. Embauché pour suppléer une cadre qui gérait seule deux services depuis un an, il a été recruté sur la base d’un CDD de quatre mois. Maintenu après l’expiration de son CDD à son poste pendant un mois sans qu’aucun contrat ne lui ait jamais été présenté, il a fait valoir ses droits lorsque la direction l’a « remercié » : l’administration lui devait encore trois mois de contrat, pour au total un contrat de même durée que le précédent. D’après lui, la mairie est également coupable de l’avoir informé de l’issue de son contrat à trois jours de la fin de celui-ci, quand la réglementation en vigueur impose (dans son cas) un délai pourtant peu exigeant de huit jours. Et ce à deux reprises. Il analyse :
« C’est d’autant plus décevant que cette façon de faire est bien loin du discours affiché. Et c’est d’autant plus triste que beaucoup sont sincères dans leur engagement, pensant agir conformément à leurs valeurs, sans s’apercevoir qu’ils se sont totalement déphasés de leur discours…
Contre la flexibilité du travail, ils proposent des contrats d’un mois rémunéré 1 300€. Opposants à la loi El Khomri, ils s’assoient sur la loi en vigueur quand il s’agit de prévenir un travailleur déjà précaire de ce qu’il va faire la semaine suivante. Certains en appellent à la sortie du capitalisme (qui est fondamentalement un rapport de domination au travail) mais ne voient pas de mal à ce qu’une poignée d’individus décide seule dans son coin du travail des autres et surtout du sort des autres.
Au final, ce qu’on y gagne, c’est que les gens se disent comme il m’est arrivé de l’entendre : ‘‘tu croyais quoi, les communistes c’est comme les autres !’’ Alors que non, ça ne devrait pas l’être. Mais voilà ce qu’il se passe quand on n’est pas à la hauteur de ses convictions : on leur fait plus de mal que de bien. Ceci dit, il faudrait aller plus loin que la remise en cause des personnes qui sont souvent, au départ, des personnes de valeur. Tant qu’on estimera la réussite d’une carrière à la montée dans une structure hiérarchisée et verticalisée comme l’est aujourd’hui une collectivité, autrement dit à l’acquisition d’un pouvoir dont on prive de fait les autres, alors rares seront ceux qui n’auront pas la faiblesse d’exercer ce pouvoir. Et parfois il sera exercé de la pire des façons. »
BB a demandé à la direction de régulariser sa situation, sans quoi il saisirait le tribunal administratif pour obtenir réparation. Pour éviter d’en arriver à cette solution, il s’est déclaré disposé à accepter un contrat moins avantageux que celui auquel il avait droit. Plusieurs personnes, élus et cadres, s’étaient alors engagées à lui fournir une réponse…
« Le plus grave à mes yeux, c’est qu’il n’y en ait pas eu un qui tienne parole. Ils se sont terrés dans le silence, ignorant même un courrier officiel. Humainement, je trouve ça lamentable. (...)
Je ne compte plus les soutiens qui m’ont été apportés dans cette histoire. Et j’ai fini par être étonné de la stéréotypie des réactions de mes collègues : tous sont choqués, mais la plupart m’ont trouvé bien audacieux. La grande majorité n’a jamais manqué de me signaler que j’allais y laisser du temps et de l’énergie, que j’allais avoir du mal à retrouver du travail dans ces conditions. Derrière ces mises en garde (que j’essaie de croire bienveillantes), il y a une invitation assez coupable à ne viser que ses intérêts et à s’asseoir sur la question du principe.
Or il me semble que, même inconsciemment, la direction a intégré cette attitude. Mais le plus dommageable, c’est que le personnel – et là je ne parle que de la majorité mécontente – ait lui aussi intégré cette résignation. Bien sûr, les choses sont ainsi faites que certains sont objectivement tenus à la résignation au vu de leur situation : par exemple, comment faire grève contre sa hiérarchie quand on est en CDD ou quand son cadre la désapprouve ?
Mais c’est déjà commettre une erreur d’imaginer que ces considérations sont prises en compte quand une décision nous concernant est prise. C’est une pire erreur encore de croire que la docilité sera un jour rétribuée, car c’est bien le contraire. Avec ce qu’il m’a été donné de voir ces derniers mois, je suis convaincu que la seule attitude rationnelle, c’est de ne pas se laisser faire. »